24.06.2013 Views

THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Mes camarades m’embrassèrent en frères ; le nom de mon<br />

père ne leur était pas étranger. Nos sentiments étaient les<br />

mêmes ; notre fortune, notre destinée étaient communes ; ils<br />

m’offraient d’ailleurs quelque chose de plus que des consolations<br />

; ils parlaient de grands dangers à courir, de quelque gloire<br />

à mériter. Ils voulaient changer mon sort, et j’étais jaloux déjà<br />

de partager le leur, quel qu’il fût. L’amitié doit être un sentiment<br />

délicieux à toutes les époques et dans toutes les conditions de la<br />

vie ; mais, entre de jeunes âmes froissées par de nobles malheurs,<br />

c’est presque une religion.<br />

L’un de ces messieurs avait dix-huit à vingt ans. C’était un<br />

jeune homme d’une figure affable mais sérieuse, plein de calme<br />

et de résolution, d’énergie et de présence d’esprit. Il s’appelait<br />

Forestier, et je crois qu’il était fils d’un cordonnier de Saumur<br />

ou de Chollet, je ne sais pas lequel. L’autre, qui avait pour lui la<br />

plus grande déférence, était de deux ou trois ans plus jeune et se<br />

nommait le chevalier de Mondyon. Quoiqu’il fût tout au plus de<br />

mon âge, il était beaucoup plus développé que moi. Ma petite<br />

taille, mes yeux bleus, la couleur un peu ardente de mes cheveux<br />

bouclés, la fraîcheur d’un teint animé que je tiens de ma mère et<br />

qui caractérise nos Alsaciennes, me donnaient, à mon grand regret,<br />

quelque chose de féminin et de timide qui m’avait souvent<br />

exposé, sur mon passage, aux soupçons et aux railleries des<br />

voyageurs mal élevés. En vérité, dit Mondyon avec un ton de<br />

gaieté expansive qui ne l’abandonnait jamais, nous aurons peine<br />

à persuader au général que ce nouveau camarade ne soit pas<br />

une jeune fille déguisée. Je le détromperai de cette erreur, lui<br />

répondis-je, sur le premier champ de bataille où il y aura du<br />

sang à répandre pour le service du roi. Forestier sourit et me<br />

serra vivement la main ; Mondyon, qui craignait de m’avoir<br />

mortifié, me sauta au cou.<br />

Ces deux officiers venaient de se montrer avec le plus<br />

grand éclat dans les premières affaires de la Vendée. Leur intelligence,<br />

leur zèle, leur courage éprouvé, leur jeunesse même, qui<br />

repoussait à leur égard jusqu’au soupçon d’une mission impor-<br />

– 9 –

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!