THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande
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sentiment a pris une telle autorité dans mon cœur, que les conseils<br />
et les instances de l’amitié ne feraient qu’en redoubler<br />
l’emportement.<br />
Édouard, mon cher Édouard, toi en qui le ciel m’avait donné<br />
un frère, un guide et un protecteur au milieu des orages de la<br />
jeunesse, toi qui as été si longtemps la lumière de mon esprit et<br />
le frein de mes passions, ne m’abandonne pas dans l’état de<br />
perplexité où je suis. Ce n’est pas pour toi que j’ai dit cela.<br />
Ô mon ami ! que résultera-t-il de la violence de tant de<br />
pensées contraires qui m’apportent à chaque minute un nouveau<br />
tourment ? Qui me fera triompher de l’image qui me suit<br />
partout, qui la bannira de là, de ma mémoire qu’elle occupe<br />
sans partage, avec ses grands yeux noirs si nobles et si touchants,<br />
ses lèvres si voluptueusement belles, cet air d’amour et<br />
de bonté qui flotte sur son visage, et son parler un peu lent dont<br />
la franche mélodie me pénètre ?<br />
__________<br />
– 89 –<br />
Le 8 mai.<br />
Qui m’empêcherait de chercher ailleurs l’indépendance et<br />
de goûter dans un oubli profond, sous quelque abri impénétrable<br />
à toutes les recherches des hommes, le bonheur que la société<br />
me refuse ? Que fais-je ici, et qui s’apercevrait de mon absence<br />
dans ce tourbillon de froids étrangers continuellement<br />
distraits par les intérêts de leur fortune et de leur orgueil ? N’aije<br />
pas rempli envers mon pays les devoirs que me prescrivait<br />
mon nom ? La limite de mes obligations s’étend-elle au-delà du<br />
sacrifice de ma vie cent fois hasardée dans les batailles ? Je<br />
m’en irai, car j’y ai pensé souvent. J’opposerai à toutes leurs<br />
bienséances et à toutes les puériles vanités de leur étiquette le