THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

oles d’Adèle n’avait pas achevé d’agiter l’air, et n’était point
parvenu jusqu’à moi. Je cherchais, le croirais-tu ? je cherchais
dans mon imagination quelque diversion nouvelle qui pût la
tromper et me tromper moi-même sur ce que j’éprouvais. Je
sentais à la fois le désir et la crainte d’être deviné. J’étais si heureux
d’être auprès d’elle, et si impatient d’être seul pour penser
à tout ce qu’il y avait à lui dire ! Après une minute de silence, j’ai
renouvelé ma question, faute de mieux. Cette fois, Adèle a bien
voulu m’apprendre qu’elle portait au hameau voisin de petits
secours que la bonne prieure y envoyait tous les jours à une famille
malade. Je devais m’en douter, mais j’étais si occupé
d’autre chose !
Je passe rapidement ce soir sur les détails de ce voyage
d’une heure, heure charmante qui aurait dû être un siècle et qui
n’a été qu’une minute. Je les néglige, ces détails, parce que je
perdrais tout à les décrire ; parce qu’ils seraient sans chaleur
sous ma plume et qu’ils brûlent dans mon cœur ; parce qu’il y a
dans tout ceci une fleur de volupté qui se dérobe aux facultés
imparfaites que l’homme a reçues pour exprimer et pour comprendre
; parce que je croirais borner mon bonheur en bornant
le vague de mes souvenirs ; parce que, dans ce récit où tout se
rapporte à Adèle, il y a pourtant des circonstances qui ne sont
point Adèle, qui me distrairaient d’Adèle, et qu’il est bien décidé
qu’Adèle aura toutes mes pensées d’aujourd’hui, – toutes les
pensées de ma vie !
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