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THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

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s’appelait M. Edelmann. L’un et l’autre avaient embrassé avec<br />

violence le parti de la révolution ; je m’informai d’eux cependant,<br />

parce que je les avais vus s’honorer de l’amitié de mon<br />

père, et que leur pitié, à eux, était ma dernière ressource. Le<br />

premier venait d’être lié aux poteaux de l’échafaud dans un<br />

mouvement populaire ; je passai sur la place d’Armes ; je le reconnus<br />

pâle, défiguré, sanglant. La clameur publique l’accusait<br />

des forfaits les plus odieux ; mais il avait été mon maître, il<br />

m’avait peut-être aimé ; j’aurais volé à lui, si je n’avais craint<br />

que ma tendresse ne le chargeât d’un crime de plus. Je pleurai<br />

amèrement en cachant mon visage. M. Edelmann avait été arrêté<br />

le même jour. Quelques mois après, m’a-t-on dit, ils sont<br />

tombés à Paris, sous cette faux terrible de la révolution qui<br />

n’épargne pas ses enfants.<br />

Mon dernier assignat avait été échangé contre un peu de<br />

pain. Il faisait très froid, la journée s’avançait, et je ne savais où<br />

me retirer. Je me souvins que, dans une petite ville assez voisine,<br />

j’avais passé quelques jours de mon enfance chez la jolie<br />

hôtesse de… Ma reconnaissance, hélas ! n’ose pas la nommer.<br />

Comme elle était connue par son attachement à ce qu’on appelait<br />

les aristocrates, c’était dans sa maison que nous avions couché,<br />

mon père et moi, la nuit qui précéda notre émigration.<br />

J’employai à ce voyage tout ce qui me restait de forces. J’arrivai<br />

à la nuit obscure ; je gagnai avec précipitation le cabinet de madame<br />

T…, et je me jetai, ou plutôt je tombai à ses pieds, car je ne<br />

pouvais plus me soutenir. Au nom de la charité, lui dis-je, un<br />

peu de vin pour se remettre, un peu de paille pour se reposer, à<br />

votre pauvre petit Adolphe ! Je meurs s’il faut que je passe encore<br />

cette nuit dans la neige ! Elle m’embrassa et pleura ; et<br />

comme ses larmes l’embellissaient ! Ensuite, elle me recommanda<br />

d’être prudent, et me conduisit dans une chambre écartée<br />

où il y avait trois lits. J’étais seulement prévenu que je<br />

n’avais rien à redouter de mes voisins. C’étaient des compagnons<br />

de malheur, mais je ne les connus pas ce jour-là. J’avais à<br />

peine achevé mon léger repas que tous mes sens furent liés par<br />

le sommeil. Quand je rouvris les yeux, il faisait jour.<br />

– 8 –

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