THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande
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son ! Imagine-toi, qu’à l’extrémité du jardin anglais sur lequel<br />
s’ouvraient son salon et sa chambre de toilette, il y a une chute<br />
d’eau, à la vérité peu bruyante, mais dont le murmure sourd a<br />
quelque chose d’importun. On a planté sur les bords de la pièce<br />
d’eau qu’elle forme, et qui se divise ensuite en petits ruisseaux,<br />
de tristes saules pleureurs, et c’est l’arbre d’aversion de mademoiselle<br />
de Valency. Enfin, l’exposition de tout ce logement est<br />
au soleil levant, dont les premiers rayons venaient, malgré tous<br />
les obstacles, offenser chaque matin ses paupières encore chargées<br />
de sommeil. Je te laisse à penser de quel genre est<br />
l’impression que m’a laissée une femme qui n’aime ni le soleil<br />
levant, ni le feuillage des saules pleureurs, ni le bruit des eaux<br />
lointaines, et qui, de plus, lit Condillac ou veut passer pour le<br />
lire !<br />
Madame Adélaïde est retenue au lit par une maladie de<br />
langueur qui mine, qui consume sa vie, et qui ravira bientôt<br />
peut-être au monde les exemples de cette sainte. J’ai obtenu<br />
d’être introduit dans sa chambre, ou plutôt dans la modeste cellule<br />
qu’elle s’est fait donner au château. Elle était couchée, mais<br />
vêtue, les mains déployées sur sa poitrine. Un crucifix de bois<br />
noir s’élevait au-dessus de sa tête. Près d’elle, il y avait une petite<br />
table couverte de livres pieux à son usage, et surmontée de<br />
quelques rameaux bénits à demi desséchés qui se croisaient<br />
contre la muraille. Au bruit que j’ai fait en entrant, elle s’est<br />
tournée vers moi et m’a souri tout de suite. – Est-ce vous, m’a-telle<br />
dit, mon cher Gaston ? À mon âge, et après une si longue<br />
absence, pouvais-je espérer de vous revoir encore ? Dieu soit<br />
loué pour cette nouvelle grâce qu’il m’a faite ! – Mais croyez que<br />
ce n’est pas sans motif que sa Providence vous a sauvé de tant<br />
de dangers. Vous promettiez d’être bon et généreux dans vos<br />
penchants, modéré dans vos passions, et l’exemple des gens de<br />
bien est un trésor pour le siècle. – J’étais attendri jusqu’aux<br />
larmes. Sa pâleur, sa débilité, la faiblesse de sa voix me tourmentaient<br />
de l’idée d’une autre absence, d’une séparation prochaine<br />
et éternelle. Je voyais qu’elle s’efforçait de paraître bien<br />
pour me causer moins de peine. Je me suis retiré fort ému.<br />
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