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THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

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de penser que vivre n’est pas une action libre, et que l’âme est<br />

condamnée d’avance à l’existence… que dis-je ? à l’immortalité,<br />

sans y avoir consenti…<br />

Cette disposition d’esprit où je suis tombé depuis quelques<br />

jours, m’a cependant procuré une émotion douce, une émotion<br />

d’autant plus agréable, qu’elle ne m’est pas bien familière. Ma<br />

mère, alarmée de ma mélancolie, a fait quelques frais pour en<br />

pénétrer le motif, et pour opposer aux peines de mon cœur le<br />

charme des consolations et des espérances. J’ai tressailli d’une<br />

joie involontaire en pensant qu’elle m’aimait assez pour me<br />

plaindre, et puis j’ai regretté amèrement de lui avoir donné un<br />

sujet de chagrin si peu fondé ; car je serais bien embarrassé de<br />

m’expliquer à moi-même ce qu’elle appelle ma douleur. Croirais-tu<br />

qu’elle a supposé que l’amour… l’amour !… de misérables<br />

illusions d’enfant, dont j’ai tant de fois reconnu la frivolité !…<br />

l’amour !... Ah ! sans doute, j’aime les femmes dans leurs brillantes<br />

harmonies avec la nature, comme un des ouvrages les<br />

plus enchanteurs, comme un des plus séduisants ornements de<br />

la création ; je les aime comme les fleurs, comme j’aimerais des<br />

créatures animées et pensantes qui auraient, dans le développement<br />

de leurs idées et de leurs sentiments, la grâce, la délicatesse<br />

des fleurs. Il y en a quelques-unes que je distingue davantage,<br />

et j’éprouve alors le besoin d’occuper leur esprit ou<br />

d’intéresser leur cœur. Si un de leurs regards tombe sur moi, s’il<br />

se rencontre avec les miens, je sens, comme autrefois, mon<br />

cœur battre plus vite, mes yeux se troubler, mon sang tourner<br />

dans mon sein ou monter à mes joues, mes nerfs ébranlés par je<br />

ne sais quel mélange vague et doux de honte et de plaisir,<br />

d’inquiétude et de tendresse. Je me souviens en effet du temps…<br />

Quel homme n’a pas été en proie à son tour aux erreurs de<br />

l’adolescence frivole, crédule, inoccupée ?… Le froissement<br />

d’une robe ou d’un schall qui m’effleurait en passant, le mouvement<br />

d’une plume qui flottait sur les cheveux d’une femme, le<br />

jeu de la lumière qui étincelait sur les pierres de son peigne ou<br />

de son agrafe, la mélodie d’une voix d’ange que l’air apporte de<br />

loin à travers tous les bruits, et dont le son vibre longtemps à<br />

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