THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande
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pourprés, sans le sentir encore brûler mes lèvres et mon sang, le<br />
premier baiser de l’amour que je reçus sous ton ombrage !<br />
__________<br />
– 71 –<br />
Le 18 avril.<br />
J’occupe la dernière chambre de l’aile droite du château,<br />
celle qui donne sur cette pièce d’eau circulaire où nous avons<br />
tant navigué dans notre enfance.<br />
Il n’y a de luxe dans mon ameublement que deux tableaux,<br />
le portrait de mon père et le tien, un forte-piano et quelques<br />
livres. J’ai fait de grandes économies en ce dernier genre surtout,<br />
car je suis convaincu qu’à part un très petit nombre, les<br />
livres ne sont bons qu’aux oisifs et à certains esprits paresseux,<br />
qui ne pensent point sans véhicule. Je vais plus loin ; la Bible est<br />
le seul corps d’ouvrage absolument indispensable que je connaisse,<br />
et il me semble qu’en la donnant à l’homme, Dieu a tout<br />
fait pour les besoins de son intelligence. Aussi ai-je conservé<br />
l’usage d’en lire tous les soirs un chapitre, suivant la situation de<br />
mon cœur. Tout-à-l’heure, par exemple, l’imagination enchantée<br />
par mille rêveries pastorales qui m’ont bercé dans le cours<br />
de ma promenade, j’égarais mes pensées sous les tentes des patriarches<br />
ou parmi les moissonneurs de Bethléem, et j’assistais<br />
en idée aux fiançailles de Ruth.<br />
J’ai rabattu quelque peu de mon enthousiasme pour Ossian,<br />
et même pour Shakespeare. En général, je m’affranchis autant<br />
qu’il est en moi de l’influence des sentiments romanesques,<br />
sans chercher cependant un genre d’illusions mille fois plus misérable<br />
dans ces superbes vanités de la philosophie qu’on appelle<br />
des connaissances positives, comme s’il y avait quelque<br />
chose de positif sur terre, et comme si le peu que Dieu nous