THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande
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timent prêt à éclater. Qu’il est cruel, Édouard, de ne pas pouvoir<br />
exprimer ce qu’on éprouve à une personne que l’on aime et<br />
qu’on a le droit d’aimer, de ne pouvoir lui dire qu’on l’aime, sans<br />
violer une bienséance ! Je me suis contenu.<br />
Il m’a fallu recueillir toutes mes forces d’homme pour visiter<br />
l’appartement de mon père, l’endroit où je l’ai quitté, où j’ai<br />
reçu ses dernières instructions et ses derniers embrassements,<br />
celui d’où il me suivit d’un regard si triste et si doux ! et où cependant<br />
j’espérais le revoir et l’embrasser encore, quand j’aurais<br />
payé ma dette au prince et à la patrie. Quel père j’ai perdu en<br />
lui ! tu le sais, toi qui as pu apprécier la grandeur de ses qualités,<br />
l’élévation de son esprit, la pureté, la simplicité de ses<br />
mœurs, et cette philosophie calme et religieuse qui le rendait si<br />
supérieur à l’adversité, que toutes les vicissitudes fâcheuses paraissaient<br />
pour lui des sujets de triomphe. Dieu n’a pas permis<br />
qu’il m’assistât plus longtemps de ses conseils, et qu’il me guidât<br />
plus avant parmi les écueils de la vie. Il m’a laissé seul sur<br />
cette terre, et je sens que cette idée, la conviction de l’abandon<br />
total où me voilà, est près de briser mon cœur. Je te quitte un<br />
moment pour pleurer.<br />
__________<br />
– 69 –<br />
Le 17 avril.<br />
Je me suis tracé un plan de vie auquel tu ne t’attends guère.<br />
D’abord, mon intention est de voir très peu de monde, le moins<br />
de monde possible. Je veux me retremper, me refaire tout entier,<br />
et j’ai besoin pour cela de recueillement et de solitude.<br />
Tout mon domestique se borne à Latour, que tu connais, à<br />
ce brave Latour, qui a fait avec moi les campagnes de la Vendée,<br />
et qui est moins un domestique qu’un camarade sûr, qu’un ami