THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande
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temps de faire pour moi, depuis que j’ai le tort ou le malheur<br />
d’écrire, c’est Thérèse Aubert.<br />
J’ai déjà dit que ce qu’il y avait de plus fictif dans mon petit<br />
drame, c’était l’époque et le théâtre. Il n’y a pas dix ans que j’ai<br />
vu le Mans pour la première fois, et cette particularité peut<br />
donner quelque intérêt à une anecdote qui montre d’ailleurs<br />
combien il est difficile de rien inventer, quand on croit que l’on<br />
invente. Quelques mois après la publication de Thérèse Aubert,<br />
je reçus la visite d’un vieillard des environs du Mans, homme de<br />
vénérable physionomie et de noble langage, qui venait me prier<br />
de rectifier le nom de son patron dans la lettre que je lui avais<br />
attribuée aux premières éditions, ou, pour mieux dire, je pense,<br />
aux premiers tirages d’une édition à trois frontispices. Il<br />
s’appelait Pierre et non pas Jules, mais, sur tout le reste, et il me<br />
le prouva au point de me déchirer le cœur, la conformité des<br />
événements était complète. Il avait exercé un emploi public au<br />
moment où j’ai placé mon récit ; il avait été arrêté comme suspect<br />
de connivence avec les aristocrates pour avoir sauvé une<br />
jeune fille vendéenne ; sa propre fille était morte, aveugle, de la<br />
petite vérole, et elle s’appelait Thérèse Aubert. Les sites mêmes<br />
n’étaient pas sans rapport, et je m’en suis convaincu depuis.<br />
Nous nous attendrîmes tous les deux sur une sympathie de<br />
malheurs qui nous avait unis à de si longues distances. Cette<br />
sympathie, faut-il le dire, je regrettais presque de la repousser<br />
dans ce qu’elle avait de plus immédiat, et j’en ai adopté ce qu’il a<br />
voulu. – Mais les jeunes âmes qui s’affectionnent à l’infortune<br />
se trompent quand elles ne l’aiment que pour son étrangeté.<br />
Elle est encore plus monotone que le reste.<br />
Je comprends à merveille qu’il y a, comme on dit aujourd’hui,<br />
beaucoup d’individualisme, et, par conséquent, un<br />
immense ennui au fond de tout cela ; mais je ne peux guère me<br />
justifier d’avoir fait tant de romans inutiles qu’en répétant souvent<br />
qu’ils sont, comme mes préfaces, une sorte de roman de<br />
ma vie, qui n’est aussi qu’une préface inutile, marquetée<br />
d’historiettes.<br />
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