24.06.2013 Views

THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

votre corps, et qu’elles ne s’y rattachaient que par je ne sais<br />

quelle ligne sanglante.<br />

Après m’avoir dit cela, Thérèse resta extrêmement abattue.<br />

Je cherchais inutilement à dissiper les idées qui la tourmentaient,<br />

parce que j’en étais poursuivi moi-même, mais j’essayais<br />

de lui faire croire que j’étais tranquille, quoique ma voix fût altérée<br />

et tremblante. Enfin le jour était venu ; Thérèse avait demandé<br />

un confesseur, et je désirais qu’elle s’entretînt avec un<br />

homme qui aurait de l’autorité sur son âme, dans l’espérance<br />

qu’il en résulterait pour elle un peu de consolation. Quelque<br />

bruit que j’entendis au dehors m’apprit qu’il était arrivé. J’en<br />

avertis Thérèse, j’ouvris, et je me plaçai auprès de la porte ; le<br />

prêtre passa devant moi sans me regarder. C’était un homme<br />

d’une petite taille et d’une physionomie commune, qui avait<br />

tout au plus trente-six ans ; cependant ses cheveux étaient déjà<br />

rares et blanchis. Il y avait dans ses traits une expression singulière<br />

et pénible à voir, celle du courage qui commence à être usé<br />

par la douleur, de la patience qui cède sous le poids des souffrances<br />

de tous les jours, des forces du corps qui vont manquer<br />

au dévouement de l’âme, et qui ne se soutiennent encore un<br />

moment qu’à la faveur de cet enthousiasme de la vertu, ou de ce<br />

sentiment de la foi qu’on appelle aujourd’hui le fanatisme. Il<br />

marchait avec peu d’assurance, et en s’appuyant contre les ais<br />

de la boiserie, car il était très fatigué, très malade, et il ne paraissait<br />

depuis longtemps dans les lieux habités que pour y porter<br />

les secours de son ministère. Ses habits n’annonçaient point<br />

le sacerdoce de la religion proscrite. C’était ce mélange de vêtements<br />

divers qui indique un costume étranger à celui qui le<br />

porte, et dont il n’est redevable qu’à la charité. Je passai le seuil<br />

de la chambre, et je m’arrêtai au dehors ; il ne me parvenait de<br />

l’intérieur qu’un murmure sourd et confus, mais que j’aimais à<br />

entendre, parce qu’il me prouvait du moins l’existence de deux<br />

personnes. Les autres domestiques s’étaient mis à genoux avant<br />

moi ; la grand’mère avait fait rouler sa chaise longue au milieu<br />

d’eux, et comme elle ne pouvait s’agenouiller parce que ses<br />

jambes étaient immobiles, elle se penchait sur ses mains croi-<br />

– 58 –

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!