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THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

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ne serai que le corps qui lui obéit. – Cette idée lui sourit beaucoup.<br />

– Voilà, dit-elle, qui est digne de ton cœur. Il y aura une<br />

âme et un corps ; mais l’âme, ce sera encore toi, car je sens que<br />

toute la mienne est passée en toi, et que hors de toi je n’en ai<br />

plus… Dieu me le pardonne, mon ami ! mais il n’y a que lui qui<br />

puisse nous redonner l’un à l’autre comme nous étions. Il paraît<br />

qu’ici c’était fini, et qu’il nous gardait, comme tu disais hier,<br />

pour la vie de l’avenir. J’ai fait là-dessus un rêve étrange cette<br />

nuit. Elle remarqua que j’écoutais : elle rit. – Tu n’as pas beaucoup<br />

de confiance aux rêves, n’est-ce pas ? Je pressai encore ses<br />

doigts qui étaient croisés dans les miens. – Imagine-toi, repritelle,<br />

que je me suis retrouvée telle que j’étais quand tu m’as vue<br />

pour la première fois. J’étais conviée à un beau festin avec Henriette<br />

(je ne lui avais point parlé d’Henriette), et avec nous il y<br />

avait deux officiers. Je me figure que c’était un repas de noces.<br />

L’un des officiers, c’était toi. Je regardais avec étonnement<br />

comme ta physionomie s’était animée d’une expression martiale<br />

et terrible, sans perdre cette expression de douceur pour laquelle<br />

je t’ai aimé, car tu avais toujours la tendresse de ton regard,<br />

la timidité de ton sourire, et je me réjouissais d’avoir touché<br />

un cœur si modeste et si fier. L’autre officier, ce devait être<br />

Mondyon. Je le voyais à peu près comme tu me l’as dépeint, gai,<br />

mutin, boudeur, emporté, mais digne un peu d’être aimé de<br />

mon Adolphe. Nous étions d’une joie folle comme de pauvres<br />

jeunes gens qui se croient heureux, et qui croient que le bonheur<br />

est une chose durable. Tout-à-coup je relevai les yeux vers<br />

Henriette, parce qu’elle chantait. Je fus surprise et épouvantée :<br />

elle était si pâle, si malade, si tristement vêtue. Oh ! si tu l’avais<br />

vue comme cela ! Saisie de douleur, je me retournai vers vous ;<br />

Mondyon et toi, vous aviez les yeux fixes, immobiles, éteints.<br />

Vous ressembliez à ces images moulées de plâtre ou de cire,<br />

auxquelles il ne manque pour faire illusion que le mouvement<br />

de la vie. Vous ne viviez pas, car tu ne me regardas point, ou tu<br />

n’eus pas l’air de me voir ; et c’était une chose hideuse à considérer,<br />

parce que vos têtes ne paraissaient plus appartenir à<br />

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