24.06.2013 Views

THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

sentiment qui triomphe de la mort peut bien résister au malheur.<br />

Elle engagea ses bras dans les miens. Elle était tout-à-fait<br />

contre mon sein. Je craignais de l’incommoder, parce qu’elle<br />

souffrait partout. Je m’éloignai faiblement en laissant ma<br />

bouche assez près de la sienne pour aspirer son souffle ; et,<br />

comme cette position était difficile à conserver longtemps sans<br />

une fatigue excessive, j’appuyai le haut de mon corps sur le lit,<br />

et peu à peu je m’y reposai tout entier sans qu’elle s’en aperçût.<br />

Cette idée me causa un horrible serrement de cœur. J’éprouvais<br />

un mélange inexprimable de douleur et d’ivresse à penser que<br />

j’étais couché avec Thérèse, avec Thérèse aveugle et mourante ;<br />

je comparais cela aux félicités que je m’étais promises, et je concevais<br />

profondément que la vie de l’homme ne peut pas embrasser<br />

toute sa destinée. J’étais sûr qu’il manquait beaucoup à la<br />

mienne, mais qu’elle ne finissait pas ici, et que Dieu ne m’avait<br />

pas donné seulement pour mon supplice une âme qui désirait le<br />

bonheur et qui comprenait l’éternité.<br />

Depuis que je pouvais me rendre compte de mes actions, je<br />

n’avais jamais négligé de prier ; la nuit était déjà tombée. On savait<br />

que je veillerais Thérèse ; on avait apporté la lampe et les<br />

remèdes de la nuit. Je voulus me recueillir pour ma prière, et<br />

j’eus un instant d’inquiétude, parce que j’étais couché auprès<br />

d’une femme : mon cœur battit avec violence, et repoussa cette<br />

idée comme une profanation. – Ô Dieu ! dis-je en moi-même,<br />

vous lisez dans mon âme, et vous savez si elle est indigne de<br />

vous ! cela me rendit un calme singulier, et qui changea en confiance<br />

tout l’effroi que le premier sentiment de cette apparence<br />

de faute m’avait inspiré. Je me plaçai plus près de Thérèse. Ses<br />

pieds étaient glacés ; je les réchauffai dans ma main. Elle dormait<br />

d’un sommeil inquiet, et le moindre frémissement de ses<br />

membres ne m’échappait point. J’étais du moins plus à portée<br />

de la secourir. Elle tournait souvent sa tête avec vivacité, en<br />

poussant de petits cris, en articulant deux ou trois syllabes confuses.<br />

Mon bras droit était engagé sous son cou depuis plusieurs<br />

heures. J’y avais senti d’abord un peu de malaise, ensuite de<br />

l’engourdissement, et j’avais fini par ne rien sentir. C’était un<br />

– 55 –

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!