THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande
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était marqué dans les décrets du ciel que nous mourrions ensemble,<br />
et que je te porterais dans mes bras à notre divin père,<br />
avant de prendre possession de toi pour l’éternité. – Adolphe !<br />
cria-t-elle d’un son de voix qui annonçait la terreur ; et elle se<br />
releva avec effort, le bras étendu de mon côté. Je m’approchai<br />
pour la soutenir. Elle tremblait. Sa poitrine était gonflée, haletante.<br />
Elle s’aperçut que j’étais près d’elle, et retomba en frissonnant.<br />
– Fais ce que tu voudras de ma vie, me dit-elle. Dispose<br />
de ces derniers jours que Dieu m’accorde, si tu le veux ;<br />
mais ne me parle plus comme cela. Songe que je suis malade, et<br />
que tu me fais peur. Je pensai qu’en effet mon emportement<br />
avait pu aggraver son mal. – Je te fais peur, Thérèse ! Adolphe<br />
te fait peur ! Ah ! plutôt mourir mille fois que d’inquiéter ton<br />
cœur de la peine la plus légère ! Que dis-je ! plutôt mourir seul,<br />
et te perdre pour jamais ! Je ne ferai moi-même que ce que tu<br />
voudras ; et si tu te défies trop de ma constance pour être heureuse<br />
sur la foi de mes promesses, s’il faut l’épreuve de ma vie<br />
pour te rassurer, je me contenterai de te suivre, de t’épier de<br />
loin, de tenir mes yeux arrêtés sur toutes tes démarches, mes<br />
pensées attentives à toutes tes pensées ; je ne te fatiguerai pas<br />
de l’obstination d’un sentiment auquel tu n’as pas la force de<br />
croire ; je ne t’en parlerai que lorsque tu ne pourras plus rien<br />
craindre de ces illusions de la jeunesse et des passions qui<br />
t’inspirent tant de défiance. J’attendrai pour te dire, me voilà,<br />
que le temps et le désespoir aient usé mes jours et blanchi mes<br />
cheveux. Je reviendrai alors près de toi, dévoué à ton bonheur<br />
comme aujourd’hui, et je te prouverai, en mourant à tes pieds<br />
du plaisir de t’entendre dire encore une fois que tu m’aimes, que<br />
vous vous étiez cruellement trompée sur mon cœur ! – Pendant<br />
ce temps-là, je baignais ses mains de mes larmes. Elle ne me repoussait<br />
plus. – Je le veux bien, dit-elle. Je croirai à tout ce que<br />
tu m’as promis. J’y croirai tant que tu le voudras. Si c’est une illusion,<br />
elle vaut la vie tout entière. Je serais bien folle de la repousser.<br />
Oui, je crois que tu m’aimes, Adolphe, que tu m’aimes<br />
telle que je suis et que tu m’aimeras toujours. Ne s’est-il pas<br />
trouvé des amants qui n’ont pas survécu à leur maîtresse ? un<br />
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