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THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

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Mondyon est mort ! dis-je en mordant la terre ; mon père<br />

est mort ! ma malheureuse mère, que j’ai à peine embrassée, est<br />

morte avant le temps, morte dans un cachot… Tout ce que j’ai<br />

aimé dévoué à l’échafaud… sacrifié aux absurdes rêveries de<br />

quelques forcenés… et j’ai des habits de femme ! Ô Adolphe !<br />

vous avez des habits de femme, et vous ne manquez pas cependant<br />

des vêtements et des armes d’un homme ; tout cela est à<br />

votre disposition, et vous portez des habits de femme, et vous<br />

croyez jouir de votre force et de votre raison ! ah ! cette pauvre<br />

créature, cette femme privée de sens, qui vient de vous parler,<br />

qui vous mépriserait si elle savait qu’un soldat est caché sous les<br />

habits de la servante de ferme, Henriette est mille fois plus<br />

homme que vous : s’il lui restait, comme à vous, un morceau de<br />

fer qui pût donner la mort, elle vengerait Mondyon et ne pleurerait<br />

pas inutilement sur des malheurs qu’à votre place elle aurait<br />

dû partager. Voilà qui est bien, repris-je en me levant ; Thérèse<br />

est malade ; son père lui-même, qui a sur moi l’autorité la plus<br />

sacrée, a voulu que je vinsse auprès d’elle. Je la verrai, je la servirai,<br />

je m’assurerai qu’elle n’a plus besoin de ma présence, et je<br />

la quitterai demain, et j’irai mourir aussi ! Thérèse est tout mon<br />

bonheur, mais l’honneur est tout avant elle ! De quel droit vivrai-je<br />

quand ils sont morts ? et comment vivrais-je, grand<br />

Dieu ! daignerait-elle supporter les regards d’une faible et indigne<br />

créature qui survit à ses amis, qui ose attester leur mémoire<br />

et qui n’a pas racheté leur sang ? Je m’arrêtai, je<br />

m’étreignis de mes propres bras, comme si mon père m’avait<br />

enveloppé des siens. Je me dis, avec une autorité qui ne venait<br />

pas de moi, qui appartenait à une puissance supérieure à ma volonté<br />

: Adolphe, allez mourir !… Le poids qui m’accablait diminua,<br />

mon cœur s’épanouit comme il doit le faire à la première<br />

volupté de la vie ; je sentis que j’agissais sur les faiblesses de<br />

mon âme d’une force irrésistible, et cette idée me pénétra d’une<br />

joie encore inconnue : je répétai à voix haute : Adolphe, allez<br />

mourir !… et je répondis : J’y vais.<br />

J’arrivai à Sancy sans trouver personne, ou plutôt j’évitai<br />

quelques enfants qui gardaient leurs troupeaux sur les revers de<br />

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