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THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

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Je m’étais trouvé enfermé dans le cercle des jeux ; j’y avais<br />

été retenu d’abord par la curiosité d’une sensation nouvelle, et<br />

puis par cette satisfaction d’une âme fatiguée qui trouve à se délasser<br />

dans des émotions douces, et puis enfin par un intérêt<br />

d’une espèce singulière qui aurait absorbé tous mes autres sentiments,<br />

si je n’avais pas connu Sancy. Plusieurs fois le nom de<br />

Jeannette, ce nom attaché à une jeune personne dont la candeur,<br />

la franche gaieté, l’air de bien-être et de contentement, reposaient<br />

agréablement la pensée ; plusieurs fois, dis-je, il avait<br />

frappé mon oreille et retenti jusqu’à mon cœur. Je m’étais<br />

d’abord placé à côté d’elle, je la regardais, je comparais notre<br />

taille et nos habits, je me demandais si c’était Jeannette, et au<br />

moment où je me croyais près de me confirmer dans mes conjectures,<br />

elle se perdait comme à dessein au milieu de la foule.<br />

Enfin, les combinaisons d’un jeu nouveau me rapprochèrent<br />

d’elle, et une loi de ce jeu me prescrivait de lui dire un secret. Je<br />

m’emparai de sa main, et je la portai sur mon sein, j’attachai<br />

mes yeux sur ses yeux, de manière à la forcer de soutenir un<br />

moment mes regards, je laissai retomber une tresse de mes cheveux,<br />

comme ils étaient dans le désordre de ma fuite, et je me<br />

penchai sur son épaule pour n’être entendu que par elle : Jeannette,<br />

lui dis-je, Dieu te récompensera, parce que tu as pris pitié<br />

d’un pauvre brigand !… – Elle poussa un cri, et tremblant de<br />

mon imprudence et de la sienne, elle déguisa son effroi sous je<br />

ne sais quel prétexte, après quoi elle rejoignit ses compagnes.<br />

Il était fort tard quand j’entrai dans la ville, et l’obscurité<br />

favorisait mes desseins. J’arrivai assez facilement à la maison de<br />

M. Aubert, parce que Thérèse me l’avait indiquée avec beaucoup<br />

de soin, et le vieux domestique qui vint m’ouvrir me reconnut<br />

d’abord pour m’avoir vu quelquefois à la ferme, quand il y était<br />

envoyé par son maître. Je fus frappé de sa tristesse et de son<br />

abattement ; et je n’eus pas de peine à m’apercevoir, à la lueur<br />

de la lampe qui éclairait son visage, que des pleurs tout récents<br />

avaient mouillé ses paupières. Cependant, il ne proféra pas une<br />

parole tant que la porte fut ouverte ; mais à peine l’eut-il laissée<br />

retomber sur ses gonds, qu’il se hâta de déposer la lampe qui<br />

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