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THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

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tement en ombres cuivrées, violettes ou noirâtres, avant de disparaitre<br />

dans l’obscurité de la nuit. Leur passage rapide et leurs<br />

formes variées semblaient multiplier par autant de messages les<br />

derniers adieux de Thérèse. Chacun de ces nuages avait passé<br />

sur sa tête, elle les avait vus, elle les regardait encore ; la même<br />

idée l’occupait peut-être, et mes yeux pouvaient se trouver attachés<br />

au même endroit que les siens sur cette figure confuse qui<br />

s’évanouissait entre nous et qui emportait avec elle nos derniers<br />

regards. Étais-je sûr de revoir jamais un nuage qu’elle aurait<br />

vu ?<br />

Comme il faisait très beau, les jeunes filles ne manquèrent<br />

pas d’arriver à leur rendez-vous du soir, et de former autour du<br />

vieil orme, où j’étais assis par hasard, leurs danses accoutumées,<br />

en chantant en chœur des airs de ronde qui m’étonnaient<br />

par leur simplicité et leur grâce, parce que l’exil et la guerre<br />

m’avaient privé de trop bonne heure de ces innocentes joies de<br />

l’enfance. J’en comprenais cependant la douceur, et je regrettais,<br />

les yeux mouillés de larmes, de n’avoir pas vécu dans un<br />

temps et dans un état où il fût permis d’être si facilement heureux.<br />

L’amour lui-même se mêlait à ces plaisirs, car il y avait à<br />

chaque groupe quelques jeunes hommes de mon âge qui se disputaient<br />

à tous les refrains l’inappréciable faveur d’un baiser de<br />

préférence. Je ne me rappelle pas bien l’air et les parties de ces<br />

chansons-là, mais il me semblait qu’elles ne vibreraient jamais à<br />

mon oreille sans que mon cœur en tressaillit, tant elles me révélaient<br />

de choses charmantes. Cependant, ce n’était rien en soi,<br />

ou plutôt cela serait impossible à exprimer à ceux qui n’ont pas<br />

senti la même chose. C’était, si je m’en souviens, une belle qui<br />

s’était endormie au bord d’une fontaine, et que son père et son<br />

fiancé cherchaient sans la trouver. C’étaient des filles de roi<br />

chassées de leurs palais qui se réveillaient dans la forêt un jour<br />

de bataille, et qui faisaient plus de vœux pour leurs prétendus<br />

que pour la couronne. C’étaient les regrets des bergères qui<br />

s’affligent de ne plus aller au bois parce que les lauriers sont<br />

coupés, et qui aspirent après la saison qui doit ramener leurs<br />

danses et leurs amours.<br />

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