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THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

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pensée de la mort ne m’effrayait pas comme elle doit effrayer les<br />

hommes. Il me semblait que cela serait très bien.<br />

Pendant ce temps-là, les domestiques qui nous suivaient<br />

parvinrent au bas de l’avenue ; c’était le moment de partir. Il ne<br />

restait plus qu’une feuille à la dernière églantine que je lui avais<br />

donnée. Je la détachai, je l’imprimai fortement sur sa bouche, et<br />

j’y collai la mienne en ramenant Thérèse sur mon sein. Je ne<br />

sais comment je parvins à l’y retenir. Cette feuille, rien que cette<br />

feuille… Ma vue s’obscurcit, ma poitrine se gonfla, je perdis la<br />

respiration, la connaissance, le sentiment de la vie, et quand je<br />

revins à moi, j’étais seul.<br />

Je me hâtai de gagner le chemin de traverse, parce que je<br />

me rappelais qu’il y avait un endroit d’où le sentier de la Croix<br />

se laissait apercevoir, et que j’espérais y voir Thérèse à son passage.<br />

Soit que le hasard eût servi mes désirs, soit que Thérèse,<br />

animée de la même pensée, se fût arrêtée dans ce court intervalle<br />

du coteau, qui paraissait de loin comme encadré entre un<br />

groupe d’arbres et une masse de rochers, je la vis immobile et<br />

détournée contre moi ; je le pensai du moins, et je me persuadai<br />

follement que mon dernier adieu pouvait parvenir jusqu’à elle ;<br />

ma bouche balbutia un mot, je dis adieu !… comme si elle<br />

m’avait entendu ; et, lorsqu’elle eut passé, je l’accusai dans mon<br />

cœur de m’avoir quitté trop vite, quand il me restait tant de<br />

choses à lui expliquer, à travers la distance qui nous séparait. Si<br />

elle s’était au moins assise pour que je pusse la regarder encore<br />

!… Pour moi, je n’avais pas détourné ma vue un seul instant<br />

du petit espace que je l’avais vue franchir comme une<br />

ombre. Il me semblait qu’il était impossible qu’elle n’éprouvât<br />

pas le besoin de revenir à moi, comme moi celui de retourner à<br />

elle, et je croyais toujours qu’elle reviendrait là un moment,<br />

dans la seule intention de reconnaître le lieu où nous venions<br />

d’être ensemble : le jour n’était pas avancé ; cet endroit n’était<br />

pas loin de Sancy ; elle pouvait, elle devait revenir ; il y avait<br />

d’ailleurs jusque dans ce point de vue des enchantements pour<br />

mon cœur ; toute cette place elle l’avait parcourue, elle l’avait<br />

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