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THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

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des moments si doux à causer de tout ce qui l’intéressait, de son<br />

père, de sa mère, du passé, de l’avenir ! Cet endroit était couvert,<br />

comme je l’ai dit, par des rosiers sauvages, dont nous nous<br />

étions promis de cueillir les premières fleurs, et dont nous venions<br />

de temps en temps épier les développements, moi pour<br />

elle, elle pour moi, parce que nous rivalisions d’impatience pour<br />

nous apporter l’un à l’autre les première tributs de la nouvelle<br />

saison. Depuis l’éclaircissement que j’avais été obligé de donner<br />

à Thérèse, nous ne faisions plus de ces promenades, et il y avait<br />

déjà longtemps que nous n’avions vu la butte des rosiers. Quand<br />

Thérèse y arriva, elle témoigna je ne sais quel trouble, et recula<br />

d’un pas. Je compris son étonnement, ou pour mieux dire son<br />

effroi, et je fus près d’abord d’y céder comme elle. Cependant, je<br />

pris sa main, je la conduisis jusqu’au lieu où elle avait coutume<br />

de s’asseoir, et sur lequel les jeunes pousses de la haie retombaient<br />

déjà en longues guirlandes. Je m’y arrêtai ; et, comme je<br />

remarquai qu’elle hésitait, – vois-tu, lui dis-je, les églantines<br />

sont écloses ; c’est moi qui les ai aperçues le premier. – Le premier<br />

! dit-elle… – Je savais bien que notre position était changée,<br />

mais ce mot me le rappela d’une manière presque douloureuse<br />

; nous allions nous quitter bientôt, peut-être pour toujours,<br />

et il était cruel de sa part de me reprocher le bonheur que<br />

j’avais dérobé à sa confiance. Ma physionomie dut même exprimer<br />

ce sentiment, car elle me dit en souriant : – Puisque c’est<br />

toi qui les as vues, donne-moi une de ces églantines ; je la garderai<br />

toute ma vie.<br />

Je cueillis quelques églantines, et je vins m’asseoir à côté<br />

d’elle. Je les répandis sur ses genoux, sur son mouchoir, sur ses<br />

cheveux. Elle en prit une, la regarda longtemps, me regarda ensuite<br />

d’un air sombre, et l’effeuilla par mégarde. Je lui eu présentai<br />

une autre, mais je recueillis les feuilles qui tombaient<br />

sous ses doigts, et, à mesure que je les saisissais, je les appuyais<br />

sur ses lèvres, je les reprenais après elle, et je les portais sur les<br />

miennes, tout humides encore du côté que ses lèvres avaient<br />

touché. Pendant quelques minutes, je jouis de cet artifice sans<br />

qu’elle s’en aperçût ; mais aussitôt qu’elle le surprit, elle parut<br />

– 35 –

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