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THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

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obligée pour Antoinette me donnaient autant d’inquiétude que<br />

si c’était à Adolphe qu’elle les eût adressés. Au reste, ils me<br />

donnaient de la jalousie aussi, et je n’étais pas moins tourmenté<br />

de ses prévenances devant le monde, qu’affligé de ses froideurs<br />

quand nous étions seuls. J’avais besoin d’être moins aimé, ou de<br />

l’être davantage. Ma position était fausse partout ; j’étais<br />

Adolphe pour Thérèse quand on nous voyait, parce qu’alors elle<br />

ne trouvait pas de danger à me laisser voir ce qu’elle éprouvait ;<br />

quand nous nous retrouvions ensemble, je ne l’étais plus. Cette<br />

idée était si pénible, qu’au moment où elle m’oppressait j’aurais<br />

quelquefois préféré une complète indifférence, mais plus souvent<br />

je préférais de souffrir.<br />

De tous les endroits où j’aimais à cacher mon chagrin, il n’y<br />

en avait point que je préférasse au jardin de Thérèse, et dans le<br />

jardin de Thérèse, au rocher sur lequel elle était assise quand je<br />

lui avais fait l’aveu qui l’éloignait de moi. Comme elle s’en était<br />

aperçue, elle y venait beaucoup moins souvent, de peur de m’y<br />

rencontrer, ou bien elle affectait de s’en détourner par un long<br />

circuit, et d’aller se promener plus loin dans une allée solitaire,<br />

où je ne l’apercevais que d’espace en espace entre les massifs<br />

des bosquets et des vergers. Il y avait déjà plusieurs semaines<br />

que cela durait, et j’étais à mon ordinaire demi-couché sur le<br />

banc, le visage couvert de mes mains, quand je sentis les doigts<br />

d’une femme s’imposer sur mon cou avec douceur, mais avec<br />

une sorte d’autorité, comme si elle avait voulu me prescrire de<br />

ne pas la regarder, car elle avait à me dire des choses dont l’aveu<br />

l’embarrassait. Je reconnus facilement Thérèse, et je restai immobile<br />

en sanglotant, parce que je pleurais quand elle était venue.<br />

Elle commença et suspendit plusieurs fois la phrase qu’elle<br />

venait d’arranger, et puis elle m’apprit d’une voix émue et tremblante<br />

que nous allions sous quitter. Son père, qui n’avait pas<br />

cessé de me prendre pour une jeune fille, pensait avoir trouvé<br />

un moyen de me faire rejoindre mes parents, ou l’armée à laquelle<br />

ils étaient attachés, et que j’avais dû suivre avec eux. Il se<br />

flattait de me mettre en tout cas à l’abri des poursuites et des<br />

persécutions ; il m’attendait au Mans, et une lettre transmise<br />

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