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THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

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plus soucieux. Quant à moi, comme je ne comptais que sur ces<br />

hasards qui survenaient rarement, je m’étais fait une étude de<br />

les multiplier, parce que c’était mon seul bonheur. Avec quelle<br />

attention j’épiais dans ses yeux la moindre de ses volontés pour<br />

prévenir, pour surprendre le moindre de ses gestes, pour faire<br />

concourir avec lui une heureuse maladresse qui rapprochait ma<br />

main de sa main, mon pied de son pied, ma bouche de son<br />

épaule ou de son cou ! Combien de fois, sous le prétexte de lui<br />

présenter une fleur de son jardin, ou bien de lui rendre son ouvrage<br />

qu’elle avait laissé tomber, j’ai frémi en touchant ses<br />

doigts tremblants, dont l’impression légère allait éveiller dans<br />

toutes mes veines un sentiment inexprimable de plaisir ! Il y<br />

avait, de sa chambre à celle de sa grand’mère, un corridor étroit<br />

qu’elle parcourait à tout moment, et où je ne manquais jamais<br />

de m’arrêter aussitôt que je pouvais présumer qu’elle allait venir,<br />

parce qu’il y avait si peu de place pour deux personnes qu’il<br />

était impossible qu’elle y passât sans m’effleurer ; et, à mesure<br />

qu’elle s’approchait, je recueillais les forces de mon cœur pour<br />

supporter la volupté de ce froissement si rapide et si délicieux.<br />

Ce hasard me paraissait une faveur, parce que je pensais qu’elle<br />

aurait pu l’éviter ou passer autre part, et qu’il n’était d’ailleurs<br />

pas concevable selon moi qu’une émotion semblable ne se<br />

communiquât pas un peu à la personne qui la faisait naître.<br />

J’avais une espèce de certitude qu’une femme dont on serait haï<br />

ne produirait pas le même effet sur l’homme qu’elle toucherait<br />

en passant, quelque amour qu’il eut pour elle, ou qu’elle ne le<br />

toucherait pas ainsi. J’avais remarqué aussi que sa voix n’était<br />

plus la même quand elle me parlait, et j’étais si persuadé que<br />

l’amour qui a tant de mystères avait jusqu’à un accent, jusqu’à<br />

une mélodie qui lui est propre, qu’elle ne m’adressait jamais la<br />

parole pour me dire les choses les plus indifférentes, que je ne<br />

tremblasse de joie comme si ces riens avaient eu un autre sens<br />

que celui qu’elle y attachait ; comme si j’étais convenu avec elle<br />

d’une clef qui m’expliquerait son langage. Cet état était si peu<br />

naturel, ce secret si facile à pénétrer, que mon déguisement luimême<br />

ne me rassurait pas, et que les témoignages de son amitié<br />

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