THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande
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être m’enlever ; cependant, ce mot qui décide irrévocablement<br />
de mon sort… et du tien, il est de mon devoir de le dire ; et si je<br />
meurs de ta colère ou de ton indifférence, je mourrai du moins<br />
digne de ton estime. – Achève. – Je ne suis pas Antoinette, je<br />
suis Adolphe ; – et je tombai à ses genoux en saisissant ses<br />
mains qui se dérobèrent aux miennes ; elle poussa un grand cri<br />
et s’enfuit.<br />
Je n’ai pas besoin de dire que cet aveu changea sur-lechamp<br />
tous nos rapports ; depuis ce moment, Thérèse ne me<br />
regardait plus qu’avec un œil inquiet, comme si elle avait craint<br />
de trouver en mot un ennemi, et qu’elle se défiât des sentiments<br />
que je pouvais lui inspirer. L’expression si naïve et si familière<br />
de ses traits était devenue sérieuse et même sombre. Souvent,<br />
quand mes yeux rencontraient les siens, et qu’ils les forçaient<br />
pour ainsi dire à rester fixés sur moi par l’ascendant qu’exerce<br />
un amour fortement senti sur la personne qui l’inspire, le nuage<br />
de douleur qui les obscurcissait me causait une sorte de regret<br />
et de crainte. Je me trouvais heureux d’occuper sa vie et même<br />
de faire naître dans son cœur l’idée des orages qu’éprouvait le<br />
mien ; mais la pensée que ce pouvait être pour elle un malheur<br />
de m’aimer brisait quelquefois mon âme, qui n’avait point de<br />
force contre les chagrins de Thérèse. Mes dangers ne m’avaient<br />
jamais causé autant d’inquiétude que mon bonheur. Je désirais<br />
bien que Thérèse fût émue, mais je tremblais qu’elle ne souffrît.<br />
Aussi j’évitais avec soin, je croyais du moins éviter tout ce qui<br />
était propre à lui rappeler notre situation réciproque, et ce que<br />
je lui avais dit de mon amour. Tout en brûlant de l’impatience<br />
d’être seule avec elle, je me félicitais qu’une personne étrangère<br />
vînt se mêler à nos promenades et à nos entretiens ; et, aussitôt<br />
que cet étranger était arrivé, désirais de nouveau qu’il s’en allât,<br />
quoique bien décidé à ne rien dire à Thérèse et à ménager son<br />
repos. Quand nous restions ensemble, sa réserve s’augmentait,<br />
et elle s’éloignait doucement, de manière à ne plus me toucher ;<br />
aussi cela ne lui arrivait que par méprise, dans un moment de<br />
distraction ou en faisant quelque mouvement involontaire.<br />
Alors elle se retirait encore plus loin, et son air devenait bien<br />
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