THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande
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commençait à tomber, et nous ne nous arrêtâmes point. Nous<br />
revînmes à la ferme en hâtant le pas, afin que notre absence<br />
trop prolongée n’inquiétât pas madame Aubert ; et, préoccupés<br />
tous les deux de notre conversation avec Henriette, nous marchions<br />
sans nous parler. Mon sang bouillonnait à la pensée que<br />
Mondyon avait été si près de nous, qu’il avait habité cette maison<br />
où j’entrais tous les jours, et que c’était de là qu’il avait<br />
trouvé une occasion de rejoindre l’armée, occasion qui ne se<br />
présenterait peut-être jamais pour moi, à qui elle serait d’autant<br />
plus nécessaire que ma position à l’égard de Thérèse alarmait<br />
mon cœur de la honte d’une fraude et de la crainte d’une ingratitude.<br />
Dans le désordre où cette idée me jetait, j’avais tellement<br />
précipité ma marche que Thérèse ne pouvait plus me suivre.<br />
Nous avions déjà passé la grille par laquelle les jardins de<br />
M. Aubert s’ouvrent sur la campagne, mais nous étions encore<br />
loin de la maison. À l’entrée d’un petit jardin dont Thérèse faisait<br />
ses délices, elle se reposa sur une pierre brute qu’on y avait<br />
placée en forme de siège, et autour de laquelle elle prenait plaisir<br />
à entretenir les herbes sauvages et les mousses parasites qui<br />
croissent parmi les rochers de la montagne. Je revins sur mes<br />
pas, et je remarquai qu’elle était accablée.<br />
– Tu ne penses qu’à cet Adolphe, me dit-elle d’un air de reproche<br />
; et, depuis que nous avons quitté Henriette, j’ai vu que<br />
tu ne t’occupais plus de moi.<br />
– Chère Thérèse ! m’écriai-je, que tu es injuste, et comme<br />
tu me soupçonnerais peu de te préférer cet Adolphe, dont le<br />
nom m’est échappé, si je pouvais te le faire connaître ! Que disje<br />
? ne faut-il pas que tu le connaisses enfin, que tu l’aimes pour<br />
lui, que tu lui pardonnes du moins d’avoir été aimé si longtemps<br />
pour un autre ! – Il y a là-dedans, reprit Thérèse, quelque chose<br />
que je ne comprends point, je ne sais quoi qui m’étonne et qui<br />
m’effraie. Ne me laisse pas dans cette incertitude ; elle est plus<br />
pénible qu’un chagrin réel. – Thérèse, tu ne sais pas que tout<br />
mon bonheur dépend d’an seul mot ! Je puis tout perdre ou tout<br />
gagner, car ma vie entière est dans ton amour que tu vas peut-<br />
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