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THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

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celant de gaieté, qui s’obscurcissait tout-à-coup et devenait fixe<br />

et sombre, son rire jeté à de courts intervalles, et qui faisait<br />

place au silence, à l’immobilité la plus morne, une alternative<br />

étrange d’exaltation et d’abattement, rendaient l’idée de cette<br />

joie importune et pénible. On devinait, je ne sais pourquoi, que,<br />

derrière l’illusion passagère qu’elle se faisait, il y avait un malheur<br />

caché.<br />

Un jour... les premières influences du printemps commençaient<br />

à se faire sentir dans la campagne ; de petites fleurs<br />

blanches, façonnées en coupes déliées qui échappent presque à<br />

la vue, s’épanouissaient entre les pierres dont le sentier est bordé<br />

; la douce odeur de la violette révélait sa présence sous les<br />

buissons, et l’air, échauffé des rayons du soleil renaissant, se<br />

peuplait d’une foule d’insectes qui n’apparaissaient un moment<br />

que pour mourir, mais qui répandaient dans ce tableau le mouvement<br />

de la vie ; nous avions le cœur ouvert à toutes les douces<br />

impressions de cette saison de renouvellement et de bonheur,<br />

quand nous aperçûmes Henriette. Pour la première fois, sa physionomie<br />

était immobile ; elle nous regardait, elle soupirait ; elle<br />

ne riait pas comme à l’ordinaire du premier objet qui frappait<br />

son imagination si facile à exciter ; notre conversation même ne<br />

l’occupait point. Elle semblait vivre ailleurs, et d’une autre pensée.<br />

Cette position devint bientôt embarrassante pour nous<br />

trois ; le cœur de Thérèse surtout se brisait sous le poids d’une<br />

contrainte si nouvelle. Elle n’y résista pas longtemps ; les yeux<br />

mouillés de larmes, et le bras jeté autour de l’épaule<br />

d’Henriette, elle lui dit : « Tu as du chagrin ? – Oh ! beaucoup,<br />

répondit Henriette en pleurant aussi ; mais tu ne le comprendrais<br />

pas. – Eh ! quoi, reprit Thérèse, est-il un de tes chagrins<br />

que je ne puisse pas comprendre ? » Cette fois, Henriette sourit<br />

amèrement. « Je le crois bien, si tu n’as pas aimé. – Peux-tu le<br />

demander ? n’aimé-je pas ceux qui m’aiment ? n’aimé-je pas<br />

mon père ? ma pauvre mère, ô mon Dieu ! ne l’aimais-je pas ? et<br />

mon autre mère, suis-je quelque part plus heureuse qu’auprès<br />

d’elle ? mais toi, ingrate, je ne t’aime pas, n’est-il pas vrai ? voilà<br />

comme tu me juges !… Antoinette ne me traiterait pas si cruel-<br />

– 26 –

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