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THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

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venait un peu plus loin, à travers un vallon creux, ombragé de<br />

jeunes hêtres, arroser les coteaux de Sancy. Le sentier, profondément<br />

encaissé dans une gorge étroite, serpentait entre deux<br />

collines peu élevées, mais qui se développaient sur un long espace.<br />

La vue n’y était distraite que par un petit nombre de maisons<br />

éparses, presque toutes délaissées à cause de la guerre, un<br />

moulin abandonné sous une chute d’eau qui avait tari, les restes<br />

d’une chaumière incendiée qui laissait encore apercevoir, entre<br />

ses pans de muraille noircis, les vestiges du foyer domestique<br />

autour duquel se passèrent tant d’agréables veillées ; enfin<br />

quelques huttes pyramidales bâties en lave, où se réfugient,<br />

après leurs travaux, les pauvres gens qui viennent tirer de la<br />

pierre des carrières voisines. Ce sentier devint notre promenade<br />

accoutumée, parce que l’amie de Thérèse se trouvait ordinairement<br />

à moitié chemin. Elle s’appelait Henriette de F… et elle<br />

était noble ; mais, quoique le malheur des circonstances eût plutôt<br />

augmenté qu’affaibli en elle le sentiment de la naissance et la<br />

fierté du caractère, il était impossible de trouver dans le commerce<br />

de la vie une âme plus simple et plus dépouillée de prétention.<br />

Son âge était un plus avancé que le nôtre. Son nom, son<br />

éducation, ses manières semblaient lui donner quelque avantage<br />

qu’elle s’efforçait toujours de perdre, et qui lui devenait à<br />

charge dès qu’il était remarqué. Elle avait un genre de coquetterie<br />

qui doit être rare. Elle ne faisait de frais que pour être plus<br />

simple. Elle était d’ailleurs si naturelle dans ses sentiments, si<br />

franche dans son abandon, qu’on s’accoutumait tout de suite à<br />

être aimé d’elle, et que l’on comprenait qu’elle fût aimée de Thérèse.<br />

L’amitié de Thérèse était bien son plus grand charme à<br />

mes yeux ; mais je sentais qu’un homme qui n’aurait jamais vu<br />

Thérèse pouvait être heureux de l’amour d’Henriette. Moins jolie<br />

que Thérèse, elle était cependant fort bien, quoique sa physionomie<br />

manquât d’ensemble et d’harmonie. Jamais des traits<br />

plus mélancoliques n’ont été animés par une expression de joie<br />

si extraordinaire. Il est vrai que cette expression était très fugitive,<br />

mais elle était si fréquente qu’elle aurait pu passer pour<br />

habituelle sans le contraste qu’elle produisait. Son regard étin-<br />

– 25 –

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