THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande
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nées blanches et à l’étendue de ses jardins. On y arrive par un<br />
sentier tortueux tracé pour une seule personne sur le revers<br />
d’une petite côte aride, mais extrêmement pittoresque, dont<br />
toute la surface est hérissée de rochers qui affectent les formes<br />
les plus bizarres et les plus variées. Quelques buissons de<br />
ronces, de houx, de genévriers, et des mousses de différentes<br />
couleurs sont la seule végétation qu’on y remarque pendant la<br />
plus grande partie de l’année ; mais, au printemps, elle rachète<br />
sa pauvreté accoutumée par un luxe tout-à-fait extraordinaire.<br />
Elle se charge de violettes, de primevères jaunes, et d’une quantité<br />
innombrable de ces jolies anémones dont la tige penchée se<br />
plaît dans les lieux obscurs, sous le frais abri des roches humides.<br />
Cette parure éphémère disparait aux premières ardeurs<br />
du soleil de mai. Au sommet de la montagne, sur une petite esplanade<br />
de verdure d’où l’œil s’égare au loin dans des plaines<br />
délicieuses, s’élevait une croix de pierre que l’on avait déjà<br />
ébranlée, mais que l’on n’avait pu abattre. Elle se soutenait<br />
entre les pierres auxquelles sa base était liée par de fortes<br />
bandes de fer, quoique penchée au point qu’elle paraissait depuis<br />
le bas suspendue sur la pente du précipice, et elle ajoutait à<br />
la singularité de cet aspect sauvage l’aspect d’une ruine miraculeuse.<br />
Un joli ruisseau, qui coule entre deux rangs de saules, et<br />
qui va un quart de lieue plus loin se perdre dans la Sarthe,<br />
baigne le pied de cette colline, qu’il embrasse tout entière et<br />
dont son murmure anime seul la muette solitude. Au-delà se<br />
déploient des campagnes riantes, coupées d’espace en espace<br />
avec une grâce infinie par de petits coteaux boisés, ou par des<br />
bouquets d’arbres solitaires qui se dessinent sur le fond du paysage<br />
comme des îles de verdure. L’œil égaré entre les contours<br />
agrestes et cependant harmonieux se plaît à y retrouver de<br />
temps à autre la trace brillante et argentée du ruisseau ou des<br />
parties de la rivière qui, interceptée à tout moment par de nouveaux<br />
objets, n’offre que l’apparence de quelques lacs épars placés<br />
à dessein dans la perspective pour en augmenter la variété.<br />
Leurs bords semés de hameaux annoncent d’ailleurs cette douce<br />
prospérité dont le sentiment s’éveille si agréablement dans le<br />
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