THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande
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peau était resté sur les morts ; j’avais passé dans ma ceinture le<br />
tronçon de mon épée ; mes cheveux, qui étaient très longs, tombaient<br />
épars sur mes épaules. Les soldats entrèrent,<br />
s’approchèrent du lit, regardèrent dessous, parcoururent la<br />
chambre et revinrent à nous. Je fermais les yeux, et je cachais<br />
sous le drap mon front noirci du feu et souillé de la poussière de<br />
la bataille. – Voilà qui est bien, dit l’un d’eux, je connais celleci<br />
; c’est Jeannette. – La blonde est sa jeune sœur, reprit l’autre,<br />
le brigand n’est pas ici. La porte se referma enfin sur eux ; il en<br />
était temps pour ma compagne dont les dents se choquaient de<br />
terreur.<br />
Il n’y avait peut-être pas un moment à perdre pour éviter<br />
leur retour ; j’étais déjà debout derrière le rideau qui séparait le<br />
pied du lit de Jeannette de l’intérieur de la chambre. Quelques<br />
mots rapidement échangés avec ma protectrice avaient suffi<br />
pour la décider à me sacrifier un de ses deux habits complets ;<br />
et, malgré la nouveauté du travestissement, il ne me coûta que<br />
quelques minutes ; mon costume était simple, mais propre ;<br />
mes cheveux étaient relevés avec peu d’art, sous une cornette<br />
que Jeannette aurait mieux posée : mais toutes les toilettes de<br />
ce jour-là pouvaient se ressentir du désordre et des terreurs de<br />
la veille ; enfin le hâle de mon visage n’était plus disparate avec<br />
mes atours ; le soleil brûle la peau comme la fumée du canon.<br />
Après m’être assuré, d’un seul regard, sur un fragment de miroir<br />
suspendu à la muraille, qu’il ne m’était pas impossible de faire<br />
illusion aux soldats mêmes qui m’avaient vu de près dans la mêlée,<br />
je me hâtai d’envelopper ma veste gris de fer avec le cœur et<br />
l’épaulette qui la décoraient, mes pistolets, mon poignard et le<br />
reste de mon équipage dans le mouchoir rouge qui me servait<br />
d’écharpe un moment auparavant ; je le passai à mon bras. Je<br />
me rapprochai du lit de Jeannette, je la forçai à recevoir<br />
quelques pièces d’or, qui étaient la juste moitié de ma petite fortune,<br />
et que sa main repoussait ; puis j’imprimai sur ses joues et<br />
sur son front un baiser de reconnaissance plus expressif que<br />
toutes les paroles. J’arrivai au pied de l’escalier quand les sol-<br />
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