THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande
THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande
THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
sans l’infâme perfidie de Maugis, cette famille vivrait heureuse.<br />
À peine rentré dans ses biens, le comte avait cru qu’il ne pouvait<br />
rien faire de plus agréable aux mânes de ses enfants que de reporter<br />
sur leur fille la tendresse qu’il avait eue pour eux, et de<br />
consacrer les droits de son héritière par une adoption solennelle.<br />
Il venait la reprendre dans les mains auxquelles elle avait<br />
été confiée, lui restituer les avantages de sa naissance et de sa<br />
fortune, et réparer à force d’amour les peines de son enfance.<br />
Enfin, il avait pensé que ma mère n’hésiterait point à approuver<br />
à ces conditions mon union avec Adèle. Elle y avait en effet consenti,<br />
et j’étais ce soir appelé auprès d’elle pour être instruit de<br />
ce nouveau projet. Le comte s’y trouvait aussi, et de quel coup<br />
inattendu n’ai-je pas frappé ce vieillard, quand, le cœur et les<br />
yeux pleins de larmes, suffoqué de honte et de douleur, je me<br />
suis écrié en embrassant ses genoux : Renoncez, renoncez à un<br />
dessein que l’ingrate désavoue, à un espoir qu’elle a trompé !<br />
Adèle n’est plus digne de son père ni de son amant ! Elle est<br />
l’épouse d’un autre.<br />
Il n’y a point d’expression qui puisse donner l’idée de<br />
l’amertume de cœur avec laquelle j’ai répété les détails que je te<br />
donnais hier. Il me semblait ne pas prononcer un mot où ne retentît<br />
mon arrêt, et combien j’aurais désiré que mon sein se brisât<br />
pour m’épargner l’horreur de cette humiliante révélation !<br />
Son père, – quelle rougeur s’est élevée sur ce front vénérable,<br />
– son père confondait ses pleurs avec les miens et sanglotait<br />
dans mes bras. – Gaston, m’a-t-il dit après un long silence,<br />
je n’aurai perdu qu’Adèle. Vous n’en serez pas moins mon fils.<br />
Les liens que j’avais sur la terre sont rompus. C’est vous seul,<br />
Gaston, qui m’y rattachez. Promettez-moi de ne pas abandonner<br />
votre vieux père et de souffrir qu’il meure auprès de vous !<br />
Je suis retombé à ses pieds et je lui ai demandé sa bénédiction.<br />
Ma mère était attendrie. Elle m’a embrassé. Je me doutais<br />
depuis longtemps que sa sensibilité, altérée par le commerce<br />
– 121 –