THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande
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Cette Adèle m’a trompé : on me l’a dit du moins. Malheureux<br />
que je suis ! il est impossible d’en douter ! mais tu chercherais<br />
aussi quelques raisons pour ne pas le croire. Elle adorait secrètement<br />
un des domestiques de Montbreuse, un homme vil,<br />
ignoble, odieux, que je n’ai jamais remarqué. N’est-il pas surprenant<br />
que leur intelligence m’ait échappé, à moi dont le cœur<br />
s’alarme si facilement ? M’aurait-elle trahi si je l’avais aimée<br />
avec moins de confiance, avec moins d’abandon ? Elle m’aimait<br />
cependant… hélas ! elle ne me l’a point dit : mais qu’il était affreux<br />
de ménager ce prix à ma tendresse !<br />
Les âmes les plus froides s’y seraient abusées comme la<br />
mienne. Montbreuse dit qu’il ne s’attendait point à cela. Candeur<br />
céleste de la vertu, vous n’êtes donc qu’une chimère !<br />
Ce domestique a demandé ses gages ; le lendemain, ils sont<br />
partis pour aller se marier ailleurs ; je lui sais gré de cette attention<br />
: c’est tout ce qu’elle a fait pour moi.<br />
Il paraît d’abord que rien n’est plus faux que tout ce que je<br />
te dis. Je donnerais ma vie pour être persuadé que cela est faux,<br />
pour la croire innocente : il serait si doux de mourir dans cette<br />
idée !<br />
Elle est partie sans prévenir personne ; elle avait trop à<br />
rougir ; elle n’a pas même vu sa marraine, sa marraine qui la<br />
pleure. Je ne la pleure pas ; l’indignation ne pleure pas : je la<br />
pleurerais si elle était morte.<br />
Il y a cinq jours qu’on les vit partir. Il n’y a personne dans<br />
le village qui ne les ait vus : je viens d’y envoyer Latour, on lui a<br />
dit qu’on l’avait reconnue : elle avait un voile, mais il n’était<br />
point abaissé ; des enfants l’ont suivie de l’œil jusque dans le<br />
bois.<br />
Il me semble que la vengeance me soulagerait ; mais quelle<br />
vengeance peut tirer un homme comme moi !… Un homme<br />
comme moi !… Malédiction !… Voilà peut-être ce qu’elle a<br />
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