24.06.2013 Views

THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Tu devinerais au besoin ma première question. J’ai demandé<br />

à cette bonne femme si elle n’avait point de fils. Il me<br />

semblait que je sentirais moins le coup qu’elle allait me porter<br />

en le laissant pénétrer peu à peu, et en ménageant ma douleur.<br />

– Hélas ! m’a-t-elle répondu, nous n’en avons qu’un seul qui est<br />

pour nous un grand sujet de chagrin. Dieu lui a donné une terrible<br />

affliction. Il tombe du haut mal depuis l’âge de dix-huit<br />

ans, et il ne peut plus travailler. Les médecins ont renoncé toutà-fait<br />

à sa guérison, a-t-elle ajouté en pleurant, car voilà quelque<br />

temps que sa tristesse s’augmente, et on dit que c’est un signe<br />

que la maladie empire. J’avais aussi une fille qui était mariée,<br />

mais notre gendre a été tué à l’armée au moment où il allait passer<br />

sous-officier, et quant à elle, voilà bientôt six mois qu’elle est<br />

morte. Les enfants que vous voyez sont les siens. – Ces enfants<br />

s’étaient rassemblés derrière moi. – Cela est bien malheureux,<br />

lui ai-je dit, d’être ainsi frappé dans sa famille ; mais du moins<br />

vous ne restez pas sans secours. Je crois que ce village appartenait<br />

à M. de Montbreuse, et que ce château est encore à lui.<br />

C’est un homme sensible et bienfaisant qui ne laisse pas les<br />

pauvres au besoin. – La vieille femme n’a rien dit à ce propos,<br />

mais elle m’a regardé avec étonnement, et sans me parler de<br />

Montbreuse, elle s’est vivement louée des âmes généreuses qui<br />

l’assistaient. Le nom de madame la prieure et celui d’Adèle,<br />

étroitement unis dans sa reconnaissance, sont venus plusieurs<br />

fois se confondre sur ses lèvres, de manière à me convaincre de<br />

sa sincérité. Après avoir laissé le peu que renfermait ma bourse<br />

dans cette triste demeure de l’indigence, je suis sorti un peu rassuré,<br />

mais encore fort incertain et fort malheureux.<br />

À quelque distance de la maison, j’ai vu sur le bord du bois<br />

un homme d’une grande taille, dont le visage annonçait une<br />

trentaine d’années, pâle, défait, la tête penchée, les bras pendants,<br />

les épaules couvertes de longs cheveux noirs. En le regardant<br />

de plus près, j’ai remarqué dans ses yeux hagards un air de<br />

mélancolie farouche qui me l’a fait reconnaitre pour le fils des<br />

infortunés que je venais de visiter. – Eh bien ! mon ami, lui ai-je<br />

dit, te trouves-tu mieux maintenant ? – Oh ! je croyais, a-t-il re-<br />

– 113 –

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!