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THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

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j’ai obtenu d’elle. J’avoue que je n’ai pas tenu à ce coup, et qu’il<br />

m’a fallu sortir pour cacher mon désespoir et ma confusion.<br />

Je me suis enfoncé dans le bois sans savoir où je devais aller,<br />

mais impatient d’être éloigné du lieu que je quittais, et de<br />

demeurer seul avec moi-même : heureux en ce moment, si<br />

j’avais pu m’isoler aussi de mes souvenirs, et s’il avait suffi d’un<br />

acte de volonté pour effacer tout le passé ! Enfin, soit que le hasard<br />

en eût décidé, soit que je me fusse dirigé vers ce but sans<br />

me rendre compte de mon dessein, je me suis trouvé près du<br />

hameau où j’avais coutume d’accompagner Adèle, et j’ai reconnu<br />

la misérable chaumière où je l’avais vue entrer tant de fois. Il<br />

m’était si facile de prendre en cet endroit des informations précises,<br />

et j’avais si grand besoin d’être détrompé – ou convaincu,<br />

car mon âme a plus d’énergie pour le malheur que pour<br />

l’incertitude. – Ma vie et mon honneur étaient engagés si avant<br />

dans ce mystère, que je n’ai pas hésité à entrer chez ces pauvres<br />

gens et que je n’ai pas même pensé à l’effroi que devait leur causer<br />

mon apparition dans le désordre où j’étais.<br />

La famille était réunie dans une chambre assez vaste, où<br />

tout annonçait l’indigence. Un vieillard d’une lignée respectable<br />

était couché dans un coin, sur un vieux châlit rempli de paille, et<br />

recevait un breuvage d’une femme très âgée, qui détournait la<br />

tête en essuyant une larme. Une jeune fille de dix ou douze ans<br />

avait quitté son rouet pour rajuster sur les jambes du malade un<br />

pan de tapisserie usée qui lui servait de couverture. Deux ou<br />

trois petits enfants, étrangers à cette scène, jouaient sur le seuil<br />

de la porte aux rayons du soleil couchant, avec une gaieté si<br />

pleine de franchise et d’insouciance qu’elle me serrait le cœur.<br />

Je me suis assis sur un bout de banc rompu et j’ai cherché à recueillir<br />

mes idées, pour savoir ce que j’avais à dire ; mais autant<br />

j’étais impatient d’être instruit pendant le cours des minutes qui<br />

avaient précédé, autant je redoutais alors un éclaircissement qui<br />

pouvait détruire toutes mes illusions à la fois. J’aurais voulu<br />

n’être point venu.<br />

– 112 –

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