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THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

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pant devant eux, et toujours prêts à sacrifier des victimes humaines<br />

à leurs préjugés, comme les barbares à leurs dieux !<br />

__________<br />

– 108 –<br />

Le 25 mai.<br />

Ces derniers jours ont la fraîcheur d’un de ces rêves consolants<br />

que l’on craint de voir finir ; et quand je pense qu’il y a déjà<br />

plusieurs semaines que dure cette féerie, et que je redescends<br />

dans mon cœur pour m’assurer que ce n’est pas une de ses illusions<br />

accoutumées, une foule de pressentiments terribles<br />

s’accumulent tout-à-coup autour de ma pensée, et je découvre<br />

en moi une conscience vague, mais infaillible, de quelque grand<br />

malheur à venir. J’entends des gens qui disent, et déplorant la<br />

mort d’un ami, que la mort n’en veut qu’aux heureux, et que<br />

c’est une chose bien cruelle que d’être frappé au milieu de sa<br />

jeunesse et de ses plaisirs, à l’instant même où tout commence à<br />

nous sourire et à nous flatter. C’est cependant alors qu’il faudrait<br />

mourir, avant que le rideau fût tombé sur nos chimères,<br />

quand l’enchantement dure encore, et que ce bien passager dont<br />

nous jouissons n’est pas changé en irréparables regrets. Souvent<br />

je me suis senti saisir d’une joie si puissante, que tous mes sens<br />

accablés cherchaient à se recueillir pour goûter la possession de<br />

ce présent fugitif et pour le fixer un moment. Il me semble que<br />

j’aimerais à mourir dans cet état.<br />

Conçois-tu ce qu’a d’amer et d’épouvantable la mort d’un<br />

infortuné que tout abandonne, détrompé de l’existence, épouvanté<br />

du néant, repoussant, pour mourir plus calme, quelque<br />

doux souvenir dont le contraste ajouterait à l’horreur de son<br />

agonie, et rendant le dernier soupir entre des bras froids, sur un<br />

sein qui ne palpite pas ?

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