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THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

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avec lui. Elle ne brille qu’autour d’un trône qui s’élève ou d’un<br />

trône qui tombe. Les guerriers qui portent un souverain sur le<br />

pavois, les guerriers qui meurent avec sa race, voilà les nobles.<br />

Je ne reconnais de titres que ceux qui ont été scellés avec l’épée<br />

ou sanctionnés par l’échafaud. Le reste n’est qu’une roture illustrée<br />

par lettres-patentes.<br />

Qu’importe d’ailleurs dans l’état actuel de la société ? à la<br />

suite d’un ordre de choses fini, ce ne sont pas les nobles qui restent,<br />

se sont les héros. Ou ne s’informe pas plus maintenant du<br />

père de Coriolan que de celui de Spartacus.<br />

Ai-je besoin, après tout, d’amasser tant de raisonnements<br />

pour justifier ce que j’ai invariablement résolu ? Ne suffit-il pas<br />

pour moi et pour tous ceux qui m’aiment que cette action soit la<br />

seule qui puisse me faire jouir d’une pure félicité ? Céderai-je à<br />

la crainte des rumeurs imbéciles de la populace titrée ? Manquerai-je<br />

de force pour braver le blâme de ces cœurs stériles que<br />

dessèchent l’égoïsme et l’orgueil, les dérisions de quelque<br />

femme hautaine, le mépris de quelque misérable parvenu ?<br />

Cela est arrêté dans mon cœur, Édouard ! je serai libre.<br />

Il faudra l’éviter, la fuir, cette société dont on recherche si<br />

fort l’estime, et qui la prodigue ou la ravit d’après des règles si<br />

étranges et si incertaines. Tant mieux. J’ai toujours aspiré à circonscrire<br />

ma vie, à l’enfermer dans le cercle de quelques affections,<br />

à ne donner aux conventions et aux habitudes communes<br />

que ce qu’il est impossible de leur enlever. Je tâcherai d’être à<br />

moi. Tiennent maintenant se briser autour de ma retraite,<br />

comme au pied d’un roc inébranlable, tous les orages du monde,<br />

et s’évanouir, sans arriver jusqu’à mon cœur, les murmures insensés<br />

de la haine et de la prévention ! Qu’ils m’inspirent de pitié,<br />

ces malheureux tourmentés du besoin de vivre dans tout ce<br />

qui les entoure, qui marchent empressés au milieu de la foule,<br />

écartant péniblement ce qui s’oppose à leur passage, froissant<br />

les faibles ou les foulant aux pieds, froissés par les forts ou ram-<br />

– 107 –

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