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THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

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Adèle oubliait déjà son bouquet. Il allait tomber de sa<br />

main, et je m’en suis emparé pour l’attacher sur mon cœur. Elle<br />

m’a dit doucement : Gaston, je ne reviendrai plus !<br />

Notre promenade a été tranquille cependant. Ce qu’il y a de<br />

singulier, c’est que la conversation était aussi vague entre nous<br />

que celle de deux personnes étrangères l’une à l’autre, et qu’il<br />

n’y avait pas une de ces paroles indifférentes qui ne parvînt<br />

toute brulante à mon cœur. Des choses qui ne me paraîtraient<br />

pas dignes d’attention dans une autre circonstance faisaient sur<br />

moi une impression si flatteuse ! Quel charme que celui-là qui<br />

anime, qui embellit tout, qui jette sur la vie une lueur de divinité<br />

! Les sens eux-mêmes, abusés pas l’ivresse de l’âme, ne rêvent<br />

que des parfums, des lumières, des mélodies célestes. C’est<br />

l’idéal d’un paradis.<br />

J’entends bien ce long cri du préjugé qui répète à mon<br />

oreille : C’est la fille illégitime de Jacques Évrard. Voilà, Gaston,<br />

ton amante ! – Oui, c’est la fille illégitime de Jacques Évrard, et<br />

c’est, ô mon Adèle, le plus précieux de tes titres. Plus tu as été<br />

malheureuse, plus je trouverai des délices à combler ton avenir<br />

d’un bonheur sans vicissitudes. – Illégitime ! L’amour, la constance,<br />

la gloire, l’aveu même de ton aïeule, ne t’ont-ils pas légitimée<br />

? Cette cérémonie froide et sérieuse qu’on appelle le mariage<br />

aurait-elle mieux constaté ta naissance que le dernier baiser<br />

que se donnèrent tes parents en face de Dieu, du peuple et<br />

des bourreaux – que le sacrement de sang qui les unit dans<br />

l’éternité ? la fille de Jacques Évrard ! Laboureur ou soldat, nul<br />

homme n’a surpassé celui-ci en noblesse, et si la noblesse est le<br />

prix de rares actions, celui qui la transmet aux siens n’est-il pas<br />

plus noble que ceux qui la reçoivent de lui ? Naître noble, c’est<br />

l’ouvrage du hasard ; le devenir par son courage, c’est la plus<br />

haute fortune de l’héroïsme. Un roturier ! disent-ils. Vous ne<br />

savez pas, enfants épris de ridicules hochets, que la noblesse<br />

date des grandes révolutions politiques, qu’elle naît, vieillit, se<br />

renouvelle avec les empires. La véritable noblesse, comme on<br />

l’entend dans les monarchies, est à faire un roi ou à s’immoler<br />

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