THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande
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pelle pas bien… mais l’explosion frappe son oreille, et le sentiment<br />
l’abandonne de nouveau. Mon père est mort !<br />
» Il y avait trois mois de passés depuis ce jour là, quand on<br />
vint me chercher dans ma pension pour me conduire à ma<br />
mère. Elle était détenue dans une maison de réclusion, et je lui<br />
fus menée au milieu des baïonnettes. Mon cœur n’oubliera jamais<br />
la tristesse et l’effroi dont il fut tout-à-coup pénétré quand<br />
au travers de cet affreux appareil, derrière ces hommes hideux<br />
dont le seul regard me faisait frissonner, sur un peu de paille<br />
noire, je reconnus ma mère, hélas ! pâle, défigurée, mourante.<br />
Je me jetai dans ses bras en pleurant de toutes mes forces, en lui<br />
demandant pourquoi on l’avait mise en prison, et pourquoi on<br />
la traitait ainsi. Elle me dit sans pleurer, mais ses yeux étaient<br />
rouges et creusés, elle me dit ce que je viens de vous raconter, et<br />
puis que je n’avais plus de ressource au monde que la pitié de<br />
ma marraine à qui elle avait envoyé tout ce dont elle pouvait<br />
disposer pour moi, et vers qui elle venait d’obtenir qu’on me reconduisît<br />
pour toujours. Enfin, d’une voix éteinte qu’elle arrachait<br />
de son sein avec plus d’efforts ;<br />
– Ma fille, ma pauvre Adèle, mon unique amour, Dieu te<br />
fasse prospérer… et qu’un jour l’époux qu’il te donnera dans sa<br />
bonté… entends-tu, ma fille, s’écria-t-elle en relevant sa tête et<br />
en prenant un accent grave et lugubre qui retentit encore à mon<br />
oreille, que cet époux destiné à venger tes parents vienne satisfaire<br />
au sang de ton père assassiné, avec le sang de Maugis ! »<br />
À ce nom, je sentis tous mes membres frémir, et Adèle, qui<br />
attribuait mon agitation à une autre cause, continua son récit en<br />
ces termes :<br />
« Je ne voulais point quitter ma mère dans l’état où je la<br />
voyais, et je restai assise sur sa paille jusqu’à l’heure où l’on vint<br />
fermer les cachots. Mais alors un des guichetiers me tira brusquement<br />
de pette place, et me dit que je n’y pouvais coucher.<br />
Ma mère sommeillait ; son teint était très coloré, sa respiration<br />
rapide. Je craignis de troubler son repos en l’embrassant, et je<br />
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