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THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande

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était accordée pour épouse. Mais ce n’était pas assez pour lui<br />

d’éprouver une pareille joie, il avait encore besoin de la faire<br />

partager. Saumur n’était pas loin du quartier-général de<br />

l’armée. Deux jours de trêve lui donnent le temps de s’échapper<br />

sous le premier déguisement venu, et de voler dans les bras de<br />

ma mère. Le premier instant est tout entier au plaisir de se revoir,<br />

le second est à l’inquiétude et à la terreur. Saumur appartient<br />

aux républicains, et mon père est proscrit.<br />

« Je ne vous ai pas donné le secret de cette sombre tristesse<br />

que j’avais remarquée en ma mère la dernière fois qu’elle visita<br />

la pension. Un jeune gentilhomme, qui venait de quitter le drapeau<br />

royal sous l’apparence de je ne sais quel service intérieur,<br />

et qui avait obtenu de mon grand-père une recommandation assez<br />

vague pour sa famille, n’avait pas craint de témoigner à ma<br />

mère des sentiments qu’elle ne devait partager qu’une fois. La<br />

passion de cet étranger lui était d’autant plus importune que<br />

tout la prévenait à la fois contre lui, et que des renseignements<br />

particuliers l’armaient à son égard d’une défiance qui, même<br />

dans un cœur parfaitement libre, n’aurait jamais pu se concilier<br />

avec l’amour. Cependant son respect pour cette recommandation<br />

sacrée, et surtout sa timidité naturelle, encore augmentée<br />

par l’ascendant d’un caractère farouche et impétueux, l’avaient<br />

en quelque sorte contrainte à supporter patiemment ses poursuites<br />

et à dissimuler en partie l’éloignement qu’il lui inspirait.<br />

Quant à lui, convaincu qu’il avait un rival aimé, il ne négligeait<br />

rien pour trouver quelque circonstance qui pût confirmer ses<br />

soupçons, et le hasard servit sa jalousie de la manière la plus funeste,<br />

en le conduisant chez ma mère à l’instant même où elle<br />

recevait les derniers adieux et les derniers embrassements de<br />

son époux.<br />

« Rien ne peut donner une idée de la colère et de<br />

l’emportement de ce furieux, à l’aspect de l’homme qui lui dérobait<br />

un cœur où il s’était promis de régner ; il remplit la maison<br />

de ses menaces et de ses cris, et il ne craignit pas de provoquer<br />

mon père, dont la patience déjà fatiguée ne tint pas à cette der-<br />

– 100 –

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