THÉRÈSE AUBERT - ADÈLE - Bibliothèque numérique romande
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tante, et peut-être décisive, les avait fait préférer par le brave<br />
Larochejaquelein, pour être envoyés auprès des princes de la<br />
maison de Bourbon. Ils étaient arrivés à leur armée au moment<br />
où l’on s’occupait d’établir avec la France des communications<br />
qui pouvaient la sauver, et ils avaient eu la généreuse témérité<br />
de réclamer ce nouvel emploi, plus fertile que cent batailles en<br />
dangereux hasards. Déjà la partie la plus importante de leurs<br />
instructions était remplie, et le succès le plus heureux, un succès<br />
même inattendu, et dont tous les résultats ne sont probablement<br />
pas perdus pour la génération à venir, avait couronné<br />
leurs entreprises. Il ne leur restait plus, pour reprendre à travers<br />
la France le chemin de la Vendée, qu’à recevoir les passeports<br />
qui leur étaient promis par un des chefs du parti de<br />
l’intérieur. Ces papiers arrivèrent peu de jours après ; les liens<br />
de notre amitié avaient continué de se serrer dans l’intimité de<br />
notre solitude. Nous jurâmes que la mort seule nous séparerait<br />
les uns des autres. La bonne madame T… nous procura des uniformes<br />
de volontaires, nous munit de quelques provisions pour<br />
notre voyage, et nous fit promettre de revenir la voir un jour, si<br />
nous échappions aux périls presque inévitables qui nous menaçaient.<br />
Je n’en doutais pas ; les premières chances de la vie<br />
n’étonnent point l’âme, elles l’enhardissent. Tout est vaste, illimité<br />
comme l’avenir et l’espérance, pour un homme que<br />
l’espérance n’a pas encore trompé, qui n’a pas encore vu de près<br />
cet avenir si enchanteur, et qui ne l’a pas vu dépouillé de tous<br />
ses prestiges, réduit à toutes ses misères, pauvre et vide comme<br />
le néant. Tout réussit au gré de nos souhaits ; nous arrivâmes<br />
sous le drapeau blanc, non sans obstacle, mais sans accident, et<br />
nous pûmes alors nous estimer heureux, si c’est un bonheur<br />
d’échapper au mal présent qui nous frapperait le cœur plein de<br />
sentiments doux et d’illusions agréables, pour tomber avec un<br />
cœur flétri, desséché par la douleur, sous l’empire du désespoir<br />
et de la mort.<br />
Je passe sur ces événements avec rapidité. Quoiqu’ils me<br />
rappellent des noms chers à ma reconnaissance, à mon amitié,<br />
je sens que le récit m’en fatigue. Je ne peux plus m’expliquer<br />
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