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Les figures spatio-temporelles dans le roman africain subsaharien ...

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œil froid ». Ce qui équivaut à la mort de toute réalité et fait d’eux de<br />

véritab<strong>le</strong>s somnambu<strong>le</strong>s. Ce qui donne aussi à l’alcoolisme une va<strong>le</strong>ur<br />

exemplaire parmi toutes <strong>le</strong>s situations et événements de la vie, c’est<br />

que l’alcool est à la fois l’amour et la perte de d’amour, l’argent et la<br />

perte de l’argent, <strong>le</strong> pays natal et sa perte. Il est comme l’écrit Gil<strong>le</strong>s<br />

De<strong>le</strong>uze « à la fois objet, la perte d’objet et la loi de cette perte <strong>dans</strong> un<br />

processus concerté de démolition. » 194 C’est <strong>dans</strong> ses fonctions<br />

ambiguës que l’alcool se présente comme un rempart ou plutôt<br />

comme un opium pour des personnages ayant perdu toute raison de<br />

vivre. Ainsi, sur <strong>le</strong> plan psychologique, <strong>le</strong>s personnages qui<br />

fréquentent <strong>le</strong> « paradis » sont des :<br />

« Sans-souci, des persécutés, des nostalgiques, des tout-bêtes,<br />

des tout-louches, avec un fond de ressemblance : <strong>le</strong>s yeux<br />

cristallins et trop enfouis, <strong>le</strong> visage las, la bouche cousue avant<br />

<strong>le</strong> cinquième verre. Après <strong>le</strong> cinquième verre, <strong>le</strong>s uns bavardent,<br />

<strong>le</strong>s autres dégueu<strong>le</strong>nt […]. Un homme dormait […] un mince fi<strong>le</strong>t<br />

d’écume lui barrait la bouche et dégoulinait sur la tab<strong>le</strong>. Non<br />

loin, deux jeunots discutaient fébri<strong>le</strong>ment, gueulant et<br />

murmurant sans transition, se tapant partout, se regardant<br />

brusquement ou riant aux éclats. La porte n’avait cessé de<br />

passer et de repasser. Quel flux et reflux d’homme ! […]. Mais il<br />

y a une logique <strong>dans</strong> cette atmosphère de désordre et de<br />

déchéance ultime. Sur <strong>le</strong>s visages rongés, on pouvait lire un<br />

semblant de dessein. <strong>Les</strong> regards vides d’espoir ne trompaient<br />

pas sur <strong>le</strong>s mâchoires rancunières et <strong>le</strong>s rictus rusés,<br />

cabochards <strong>le</strong>s dignités des moindres attitudes. » 195<br />

Dans ce lieu dramatique où pullu<strong>le</strong>nt des êtres fébri<strong>le</strong>s, où<br />

prédomine la dimension du vide intérieur qui a pris la place du<br />

nécessaire, ils ne croient plus à rien et se réfugient <strong>dans</strong> l’alcool de<br />

194 G. De<strong>le</strong>uze, Logique et sens, op. cit., p. 188.<br />

195 T. Monénembo, <strong>Les</strong> Crapauds-brousse, op. cit., pp. 149-150 ; 154.<br />

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