23.06.2013 Views

Les figures spatio-temporelles dans le roman africain subsaharien ...

Les figures spatio-temporelles dans le roman africain subsaharien ...

Les figures spatio-temporelles dans le roman africain subsaharien ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

perd sa mère en venant au monde. Son père qui va s’occuper de lui et<br />

met « un point d’honneur à [<strong>le</strong>] voir arriver jusqu’au certificat<br />

d’études » 150 , meurt lui aussi quelques années plus tard terrassé à<br />

quarante-cinq ans par la maladie. <strong>Les</strong> moments <strong>le</strong>s plus pénib<strong>le</strong>s de<br />

sa vie au village sont <strong>le</strong>s travaux champêtres comme il <strong>le</strong> raconte lui-<br />

même :<br />

« Courbé, à mouvement saccadé, je luttais pour la première fois<br />

contre la nature. Une heure plus tard derrière moi, de dizaine<br />

de metres carrés de terrain labouré ; devant moi, une étendue<br />

immense de paysage chauve cruel<strong>le</strong>ment marqué par <strong>le</strong> feu de<br />

brousse qui semblait avoir éliminé toute trace de vie de l’espace<br />

où nous allions semer. Le so<strong>le</strong>il chauffait à blanc nous<br />

réchauffait <strong>le</strong> corps ; persévérant <strong>dans</strong> <strong>le</strong>ur tyrannie, ses<br />

rayons devenaient un calvaire. Je ha<strong>le</strong>tais, mesurais mètre<br />

après mètre ma progression, calculais la position du so<strong>le</strong>il,<br />

inventoriais <strong>le</strong>s douloureuses boursouflures de mes paumes<br />

teintées de sang. Un liquide, mélange sal de transpiration et de<br />

terre, bétonnait mes mains aux doigts recroquevillés par l’effort.<br />

Couvert de sueur bientôt devenue crasse. » 151<br />

<strong>Les</strong> travaux champêtres sont ici dépourvus de <strong>le</strong>ur soi-disant<br />

délice, et apparaissent comme une activité très contraignante sur <strong>le</strong><br />

plan physique. Ils se définissent comme une lutte ou plutôt un<br />

combat entre l’homme et <strong>le</strong>s éléments de la nature. Pour échapper à<br />

cette lutte acharnée contre la nature indomptab<strong>le</strong> pour survivre, <strong>le</strong>s<br />

villageois désertent <strong>le</strong>s villages pour la vil<strong>le</strong> avec la secrète conviction<br />

de vivre plus décemment <strong>dans</strong> l’espace urbain. Bohi Di doit d’abord<br />

renoncer à l’éco<strong>le</strong> puis décide de quitter son village natal. « Je ne<br />

savais où al<strong>le</strong>r », confesse-t-il, « mais j’étais décidé à vivre ma vie, à ne<br />

plus servir de souffre-dou<strong>le</strong>ur aux adultes, à ne plus travail<strong>le</strong>r pour<br />

149 A. Kourouma, <strong>Les</strong> So<strong>le</strong>ils des Indépendances, op. cit., p. 181.<br />

150 A. Fantouré, Le Cerc<strong>le</strong> des Tropiques, op. cit., p. 22.<br />

70

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!