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Les figures spatio-temporelles dans le roman africain subsaharien ...

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« L’excision ! <strong>le</strong>s scènes, ses odeurs, <strong>le</strong>s cou<strong>le</strong>urs de l’excision.<br />

Et <strong>le</strong> viol ! ses cou<strong>le</strong>urs aussi, ses dou<strong>le</strong>urs ses cri<strong>spatio</strong>ns. Le<br />

viol <strong>dans</strong> <strong>le</strong> sang et <strong>le</strong>s dou<strong>le</strong>urs de l’excision, el<strong>le</strong> a été mordue<br />

par <strong>le</strong>s feux du fer chauffé au rouge et du piment. Et el<strong>le</strong> a crié,<br />

hurlé. Et ses yeux ont tourné, débordés et plongés <strong>dans</strong> <strong>le</strong> vert<br />

de la forêt, puis <strong>le</strong> jaune de l’harmattan et enfin <strong>le</strong> rouge, <strong>le</strong><br />

rouge du sang, <strong>le</strong> sang des sacrifices […]. El<strong>le</strong> ignorait <strong>le</strong> temps<br />

qu’a duré l’évanouissement. Quand <strong>le</strong>s sens lui renaquirent, <strong>le</strong>s<br />

gens debout murmuraient au-dessus d’el<strong>le</strong> […] ses jambes<br />

étaient ruisselantes de sang. » 816<br />

Dans ce passage à focalisation interne, <strong>le</strong> narrateur restitue<br />

tout ce qui s’est passé lors de l’excision de Salimata. <strong>Les</strong> scènes, <strong>le</strong>s<br />

menus détails, filmés, enregistrés et désespérement refoulés <strong>dans</strong> <strong>le</strong><br />

subconscient resurgissent <strong>dans</strong> sa mémoire et de façon inopportune,<br />

la submergent et conditionnent ses comportements. Ils vont avoir<br />

plusieurs fonctions. Ils la contraignent à adopter des conduites<br />

d’évitement comme cela ressort de son premier mariage manqué. Rien<br />

que la vue d’un personnage peut la replonger <strong>dans</strong> l’univers de<br />

l’excision suivie du viol.<br />

Le fait que la culpabilité de Tiécoura n’ait pas été établie et<br />

que Salimata soit obligée de naviguer entre <strong>le</strong> réel (« el<strong>le</strong> avait bien vu<br />

l’ombre d’un homme, une silhouette qui rappelait <strong>le</strong> féticheur<br />

Tiécoura » 817 ) et <strong>le</strong>s croyances qui se sont imposées comme des vérités<br />

scientifiques (« un génie, avait-on dit après. On avait expliqué aussi <strong>le</strong>s<br />

raisons » 818), amène Salimata à établir des corrélations et des<br />

correspondances entre <strong>le</strong> lieu de son excision, la case du féticheur<br />

Tiécoura et tous <strong>le</strong>s hommes.<br />

Salimata va éviter d’avoir tout contact sexuel avec Baffi, son<br />

premier « mari » puisqu’il lui rappel<strong>le</strong> son excision et son viol <strong>dans</strong> la<br />

815 M. Eliade, Initiation, rites, et sociétés secrètes, Paris, Gallimard, p. 1959,<br />

p.99.<br />

816 A. Kourouma, <strong>Les</strong> So<strong>le</strong>ils des Indépendances, op. cit., p. 33-34.<br />

817 Idem, p. 39.<br />

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