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Les figures spatio-temporelles dans le roman africain subsaharien ...

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« Ici, je n’ai pas <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il. Je vis cloîtrée, entre quatre murs d’un<br />

hôtel garni […]. Je suis si seu<strong>le</strong> que, parfois, je me par<strong>le</strong> à haute<br />

voix. Moi prisonnière des ombres épaisses des murs tristes,<br />

suintant l’hiver comme l’été. Quand, par hasard, mon regard<br />

vagabonde, il ne rencontre que des lézardes, où s’incruste la<br />

vieil<strong>le</strong> poussière grisâtre ; un dallage strié. La plupart du temps<br />

je suis enfermée. Où al<strong>le</strong>r ? […]. Te rappel<strong>le</strong>s-tu comme j’étais<br />

vivante, débordante de vitalité ? Tout <strong>le</strong> monde en parlait de<br />

mon débordement. Maintenant, je suis toute ratatinée, pareil<strong>le</strong><br />

à une tranche de viande au so<strong>le</strong>il. Certes, je logeais <strong>dans</strong> une<br />

case, un quartier de bidonvil<strong>le</strong>. Mais j’avais <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il à profusion,<br />

<strong>le</strong>s rires, <strong>le</strong>s joies communes, <strong>le</strong>s espérances. Ici, rien. Rien, je<br />

te dis. Zéro […]. Comme je voudrais revoir notre so<strong>le</strong>il, <strong>le</strong>s<br />

cou<strong>le</strong>urs criardes, la nonchalance de nos femmes, ces femmes<br />

qui vont au marché en groupes joyeux, réentendre <strong>le</strong>s disputes<br />

autour des bornes-fontaines, chiner <strong>le</strong>s marchands de jarrets<br />

de bœuf, discerner <strong>dans</strong> <strong>le</strong> vacarme quotidien <strong>le</strong>s notes de kora,<br />

m’asseoir à l’ombre lorsque l’averse de so<strong>le</strong>il aveug<strong>le</strong> <strong>le</strong>s<br />

regards, voir <strong>le</strong>s pou<strong>le</strong>s se tenir sur une seu<strong>le</strong> patte, voir <strong>le</strong>s<br />

enfants qui vont aux commissions, chaussés des sanda<strong>le</strong>s de<br />

<strong>le</strong>ur père, rasant <strong>le</strong>s palissades. Je suis seu<strong>le</strong>, si seu<strong>le</strong>, que <strong>le</strong>s<br />

cadavres <strong>dans</strong> <strong>le</strong>urs tombes me font envie. » 699<br />

On retrouve <strong>dans</strong> cette <strong>le</strong>ttre intime de Nafi <strong>le</strong>s mêmes<br />

oppositions entre un espace social <strong>africain</strong> ouvert, où cou<strong>le</strong> une joie<br />

immense entre <strong>le</strong>s êtres et la nature, auquel s’oppose l’espace social<br />

européen, vu comme un univers de solitude où des individus sont<br />

détachés, égoïstement renfermés, cupides et terre à terre. Dans cet<br />

espace, l’Africain habitué au débordement, au so<strong>le</strong>il et aux cou<strong>le</strong>urs<br />

criardes, se sent renfermé et s’étouffe. La photo du « mari » de Nafi est<br />

698 C.H. Kane, L’Aventure ambiguë, op. cit., p. 162-163.<br />

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