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Les figures spatio-temporelles dans le roman africain subsaharien ...

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l’individualisation empirique et la confusion mythique. » 603<br />

Cette réduction du temps qui avance en synchronie – par <strong>le</strong><br />

fait que <strong>le</strong>s différentes instances <strong>temporel<strong>le</strong>s</strong> sont concentrées en un<br />

moment – passe par une identification des hommes à <strong>le</strong>urs ancêtres.<br />

Chaque indigène conçoit l’histoire de son ancêtre totémique comme<br />

une relation de ses propres actions au commencement du temps et à<br />

l’aube même de la vie, souligne Strehlow et de préciser, « quand <strong>le</strong><br />

monde, tel qu’on <strong>le</strong> connaît aujourd’hui, était encore livré à des mains<br />

toutes puissantes qui <strong>le</strong> modelaient et <strong>le</strong> formaient. » 604 Au niveau<br />

individuel, la mort met un terme au présent et <strong>le</strong> transmue en passé ;<br />

el<strong>le</strong> inverse <strong>le</strong> processus du rêve.<br />

La col<strong>le</strong>ctivité s’empare de la fin individuel<strong>le</strong> en faisant<br />

survivre <strong>le</strong> défunt <strong>dans</strong> la mémoire col<strong>le</strong>ctive. En s’appropriant sa vie<br />

par l’imaginaire, la communauté ressuscite <strong>le</strong> mort, <strong>le</strong> réintroduit par<br />

<strong>le</strong> souvenir <strong>dans</strong> la col<strong>le</strong>ctivité, et lui attribue des fonctions nouvel<strong>le</strong>s<br />

<strong>dans</strong> la vie.<br />

On sait qu’Okonkwo avait un seul rêve : devenir l’un des<br />

seigneurs du clan. Il <strong>le</strong> devient presque, puisque au moment de son<br />

crime, il fait partie des membres influents de la bureaucratie<br />

umuofiane. Son accident se produit à un moment où l’importance<br />

n’est pas des moindres : cérémonie d’adieu au patriarche du clan. Le<br />

fils du patriarche est <strong>le</strong> symbo<strong>le</strong> propre de la transmutation du passé<br />

au présent <strong>dans</strong> ce cyc<strong>le</strong> d’éternel recommencement. La mort du fils<br />

du défunt lors des cérémonies d’adieu met pour ainsi dire fin à ce<br />

cyc<strong>le</strong> qui s’est reproduit in illo tempore et qui rappel<strong>le</strong> <strong>le</strong> Temps ab<br />

initio. La scène tragique : un jeune gît <strong>dans</strong> une mare de sang, est ici<br />

très significative. Deux façons principa<strong>le</strong>s de prolonger, <strong>dans</strong><br />

l’imaginaire, la vie d’un défunt après sa mort selon <strong>le</strong> schéma ci-haut.<br />

Après <strong>le</strong>s rites, la réincarnation permet au défunt de naître de<br />

nouveau. D’où la vision cyclique de la temporalité <strong>africain</strong>e que donne<br />

603 C. Lévi-Strauss, La Pensée sauvage, op. cit., p. 285.<br />

604 T.G.H. Strehlow, Aranda Traditions, Melbourne, 1947, p. 30-31.<br />

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