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Les figures spatio-temporelles dans le roman africain subsaharien ...

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de vio<strong>le</strong>nce, baignée d’incertitude. La castration du père de Njoroge,<br />

cette abomination qui <strong>le</strong> dénature ouvre un avenir plus sombre. El<strong>le</strong><br />

symbolise la fin d’une époque où des hommes pouvaient donner<br />

naissance à des hommes, où ils pouvaient acquérir des terres, <strong>le</strong>s<br />

fructifier et <strong>le</strong>s léguer à <strong>le</strong>urs descendants.<br />

L’étude d’Yvan Droz montre que lorsqu’un Kikuyu par<strong>le</strong> de la<br />

terre, il ne s’agit pas d’un lieu où <strong>le</strong>s ancêtres ont vécu depuis des<br />

générations, mais bien d’un espace à défricher sur la forêt ou<br />

aujourd’hui, comme lors de la Guerre civi<strong>le</strong>, à conquérir sur <strong>le</strong>s<br />

grandes propriétés foncières. Pour <strong>le</strong>s migrants, la voie roya<strong>le</strong> de la<br />

réalisation de soi passe par <strong>le</strong> défrichement d’un espace « vierge » et<br />

par sa mise en production.<br />

Il explique en se basant sur des expériences sur <strong>le</strong> terrain que<br />

des hommes qui se coalisent pour acheter une terre créent entre eux<br />

des liens de parenté, et par cette transaction des liens de parenté<br />

terrienne, ils deviennent des fils de la même géo-mère et partagent<br />

une même géo-parenté par rapport à tous <strong>le</strong>s membres du mbarî,<br />

indépendamment des liens de filiation ou d’alliance réel<strong>le</strong> qui<br />

n’existent pas entre ces derniers. Par la même occasion, ils<br />

deviennent fils du même père (muru wa baba), <strong>le</strong> vendeur, et fils de la<br />

même mère (muru wa maitu), la terre. La terre est donc mûndo umwe<br />

avec son propriétaire mbarî. Mais cel<strong>le</strong>-ci n’englobe pas seu<strong>le</strong>ment<br />

des hommes et des femmes actuel<strong>le</strong>ment en vie. Il inclut éga<strong>le</strong>ment<br />

<strong>le</strong>s ancêtres morts et <strong>le</strong>s descendants encore à naître. Voir donc la<br />

terre, c’est percevoir en même temps, derrière el<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s ancêtres qui y<br />

demeurent vita<strong>le</strong>ment rattachés.<br />

Ce qui explique que <strong>dans</strong> <strong>le</strong> langage traditionnel, <strong>le</strong>s termes<br />

gîthaka et ngoma (esprits ancestraux) sont parfois utilisés<br />

indistinctement et comme interchangeab<strong>le</strong>s. De même, lorsque <strong>le</strong><br />

Kikuyu par<strong>le</strong> de l’avenir de sa famil<strong>le</strong>, il glisse imperceptib<strong>le</strong>ment vers<br />

<strong>le</strong> concept de gîthaka : <strong>dans</strong> son esprit, <strong>le</strong> champ représente<br />

éga<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s générations encore à venir. Ce lien intrinsèque entre la<br />

« parenté », <strong>le</strong>s « esprits » des décédés et la « terre » semb<strong>le</strong> capital<br />

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