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Les figures spatio-temporelles dans le roman africain subsaharien ...

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mosquée […]. Toujours fiévreusement, Salimata plongeait deux<br />

doigts <strong>dans</strong> une gourde, enduisait ses seins, genoux et dessous<br />

de pagne, recherchait et attrapait quatre gris-gris, <strong>le</strong>s accrochait<br />

aux quatre pieux du lit, et la <strong>dans</strong>e partait… D’abord el<strong>le</strong><br />

rythmait, battait, damait ; <strong>le</strong> sol s’ébranlait, el<strong>le</strong> sautillait, se<br />

dégageait, battait des mains et chantait des versets mi-<br />

malinké, mi-arabe ; puis <strong>le</strong>s membres tremblaient, tout <strong>le</strong> corps<br />

ensuite, bégaiement et soupirs interrompaient <strong>le</strong>s chants, et<br />

demi-inconscience, el<strong>le</strong> s’effondrait <strong>dans</strong> la natte comme une<br />

touffe de lianes au support arraché. Un moment, <strong>le</strong> temps de<br />

fouetter <strong>le</strong>s pieds et hur<strong>le</strong>r comme un démon, el<strong>le</strong> se redressait.<br />

Essoufflée, en nage, en fumée et délirante el<strong>le</strong> bondissait et<br />

s’agrippait à Fama. » 512<br />

Salimata n’est pourtant pas <strong>le</strong> seul personnage à faire recours<br />

à la fois à Allah et aux mânes des ancêtres. Son mari Fama s’est<br />

adonné habi<strong>le</strong>ment à de tel<strong>le</strong>s pratiques lors des funérail<strong>le</strong>s de feu<br />

Lacina à Togobala. D’après <strong>le</strong> Coran, « un décédé est un appelé par<br />

Allah, un fini » 513 . Or « <strong>le</strong>s coutumes malinkés disent qu’un chef de<br />

famil<strong>le</strong> couche <strong>dans</strong> la case patriarca<strong>le</strong> » 514, en appuie et en accord<br />

avec des croyances traditionnel<strong>le</strong>s <strong>africain</strong>es selon <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s « <strong>le</strong>s<br />

morts ne sont jamais partis » 515 . Fama, fort embarrassé entre <strong>le</strong><br />

respect des enseignements de l’Islam et <strong>le</strong>s coutumes malinkés, « en<br />

dépit de sa foi profonde au Coran, en Allah et en son prophète » 516 ,<br />

accepte sans hésitation de passer « toute la nuit <strong>dans</strong> une petite case,<br />

se recroquevill[e] entre de vieux canaris et un cabot ga<strong>le</strong>ux. » 517 Il y a<br />

une justification plausib<strong>le</strong> à cette attitude contradictoire :<br />

512 Idem, p. 29-30.<br />

513 Idem, p. 105.<br />

514 Ibidem.<br />

515 Se reporter au poème « Souff<strong>le</strong> » de Birago Diop, incéré <strong>dans</strong> <strong>le</strong> conte<br />

« Sarzan », in Le Contes d’Amadou Koumba, Paris, Présence Africaine, 1961.<br />

516 A. Kourouma, <strong>Les</strong> So<strong>le</strong>ils des Indépendances, op. cit., p. 105-106.<br />

517 Idem, p. 106.<br />

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