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Les figures spatio-temporelles dans le roman africain subsaharien ...

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émergeaient des crocodi<strong>le</strong>s géants qui venaient se fracasser et<br />

se suicider sur <strong>le</strong>s clôtures quand <strong>le</strong>s gardes ne <strong>le</strong>s abattaient<br />

pas. <strong>Les</strong> soirs, Fama hésitait. Ce n’était pas en zone lagunaire,<br />

parce qu’on y entendait <strong>le</strong> bubu<strong>le</strong>ment des oiseaux de la<br />

savane, <strong>le</strong> jappement des singes, <strong>le</strong> rugissement des lions et <strong>le</strong><br />

si<strong>le</strong>nce qui suit respecte ce rugissement <strong>dans</strong> <strong>le</strong> profond de la<br />

nuit. » 338<br />

Dans ce fragment, chaque indice géographique et climatique<br />

susceptib<strong>le</strong> de conduire à une localisation précise du camp est<br />

infirmé par un autre qui désigne par contre une autre zone possib<strong>le</strong>,<br />

jusqu’à ce que la bouc<strong>le</strong> se ferme sans trouver de conclusion, sans<br />

parvenir à situer ce camp qui pourtant existe quelque part. En<br />

somme, la région du camp est une mosaïque de tous <strong>le</strong>s<br />

désagréments, <strong>le</strong>s dangers, <strong>le</strong>s fléaux possib<strong>le</strong>s. Il abrite des êtres<br />

sans identité ni perspective autre que la mort, d’où la seu<strong>le</strong> certitude<br />

de ce lieu sans lumière ni nom, au paragraphe qui précède cette<br />

impossibilité de localisation, « ce camp était la nuit et la mort, la mort<br />

et la nuit. » La description du camp met en relief toutes <strong>le</strong>s images qui<br />

peuvent évoquer <strong>le</strong> monde des ténèbres et d’horreur.<br />

Le contraste qui fait éga<strong>le</strong>ment partie des tendances<br />

stylistiques de Kourouma, « louange à Allah ! Fama ainsi avait<br />

échappé définitivement au camp sans nom » 339 que <strong>le</strong> narrateur établit<br />

lors de la libération de Fama, juste évoqué en un seul paragraphe qui<br />

suit la description du camp permet d’atténuer la tension née de<br />

l’évocation de la prison, vue et perçue comme un horizon fermé par<br />

définition, lieu de servitude, où l’on perd la notion de temps et de<br />

l’espace.<br />

Dans cet enfer humain, s’établit une sorte de relation<br />

mutuel<strong>le</strong> de perversion entre <strong>le</strong>s tortionnaires et <strong>le</strong>s torturés. <strong>Les</strong><br />

bourreaux sont eux-mêmes des êtres pervertis <strong>dans</strong> ce climat de<br />

338 Idem, p. 159-160.<br />

339 A. Kourouma, <strong>Les</strong> So<strong>le</strong>ils des Indépendances, op. cit., p. 160.<br />

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