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Les figures spatio-temporelles dans le roman africain subsaharien ...

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mythe avait pris forme. Déjà depuis quelques jours, <strong>le</strong>s<br />

habitants ne parlaient que de sa sagesse, de son éloquence, de<br />

son intelligence, de sa lutte contre <strong>le</strong>s toubabs pour<br />

l’indépendance des Marigots du Sud. Dès <strong>le</strong> <strong>le</strong>ver du jour la<br />

radiodiffusion de la "Voix du Peup<strong>le</strong>", cérémonieuse, inspirée,<br />

annonçait : "<strong>le</strong> Messie-koï Baré Koulé, notre président bien-<br />

aimé, va éclairer <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> de sa profonde sagesse". » 313<br />

Ce passage s’apparente davantage à un texte moral qui tente<br />

de donner un portrait-exemplum de l’hagiographie d’un homme<br />

politique « illustre » et « saint » à la fois. Il apparaît évident que ce<br />

panégyrique délirant (et bien souvent euphorisant) conduit <strong>le</strong> pouvoir<br />

à s’incarner très fortement <strong>dans</strong> une seu<strong>le</strong> personne. Par cette<br />

idolâtrie du dirigeant, c’est <strong>le</strong> culte de la personnalité qui transforme<br />

toute une masse, et <strong>le</strong> plus souvent un groupuscu<strong>le</strong> d’individus (<strong>le</strong>s<br />

sbires et <strong>le</strong>s snobs) en une bande de figurants fascinés par <strong>le</strong> drame<br />

où <strong>le</strong>s engage <strong>le</strong> maître absolu du pouvoir 314. Le recours est alors de<br />

façon mécanique à l’unanimisme et à l’applaudissement du chef<br />

comme règ<strong>le</strong> décisionnel<strong>le</strong>. La démarche intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong>, et <strong>le</strong> mode de<br />

participation politique, comme <strong>le</strong> remarque Achil<strong>le</strong> Mbembe, a « ouvert<br />

la voie à une personnalisation excessive du pouvoir que suggère<br />

l’omniprésence de la figure et du nom des Chefs d’Etat <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s lieux<br />

publics » 315 : noms des rues, des avenues, des stades, des grandes<br />

places, des médaillons à la une des quotidiens gouvernementaux,<br />

extraits des discours accompagnant nécessairement toute prise de<br />

paro<strong>le</strong> publique, effigies sur <strong>le</strong>s bil<strong>le</strong>ts de banque, incantations à la<br />

radio au début et à la fin des grandes émissions, hymne à la gloire du<br />

313 A. Fantouré, Le Cerc<strong>le</strong> des Tropiques, op. cit., pp. 155 ; 160.<br />

314 Il est a noté que même si <strong>le</strong> texte de Fantouré date des années 70, la<br />

conception du pouvoir politique aujourd’hui en Afrique n’a pas grandement<br />

changé. <strong>Les</strong> œuvres récentes montrent <strong>le</strong>s mêmes schèmes que reproduisent<br />

<strong>le</strong>s nouveaux maîtres de l’Afrique après plus de quarante années<br />

d’indépendance. Ĝakatuka, <strong>le</strong> héros-narrateur de L’Impasse est intrigué de<br />

voir qu'à chaque place publique de Brazza étaient érigées des statues en<br />

bronze du timonier du pays.<br />

315 J.-A. Mbembe, Afriques indoci<strong>le</strong>s, Paris, Karthala, 1988, p. 146.<br />

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