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Les figures spatio-temporelles dans le roman africain subsaharien ...

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[…]. Il s’ensuit qu’écrire sur l’Afrique noire, c’est prendre parti pour ou<br />

contre la colonisation. Impossib<strong>le</strong> de sortir de là. » 246<br />

Ce propos d’A<strong>le</strong>xandre Biyidi peut paraître excessif à certains<br />

égards (sur <strong>le</strong> plan de l’éthique et de la liberté), mais en fait, il traduit<br />

<strong>le</strong> climat intel<strong>le</strong>ctuel de l’époque autour du fait colonial. La thèse,<br />

généra<strong>le</strong>ment partagée par <strong>le</strong>s intel<strong>le</strong>ctuels et <strong>le</strong>s écrivains noirs, était<br />

ni plus ni moins que la littérature d’Afrique noire devait être<br />

engagée 247 , faire <strong>le</strong> procès du colonialisme et de ses conséquences sur<br />

<strong>le</strong> peup<strong>le</strong> noir. C’est <strong>dans</strong> ce contexte que sous <strong>le</strong> pseudonyme d’Eza<br />

Boto, A<strong>le</strong>xandre Biyidi avait publié son premier <strong>roman</strong>, Vil<strong>le</strong> cruel<strong>le</strong> 248<br />

où il a dressé un tab<strong>le</strong>au satirique de l’univers colonial mais surtout<br />

de l’exploitation dont sont victimes <strong>le</strong>s Noirs.<br />

Si <strong>le</strong>s <strong>roman</strong>s <strong>africain</strong>s des années 50 avaient brossé un<br />

tab<strong>le</strong>au souvent très sombre de la société colonia<strong>le</strong>, ce même esprit<br />

critique s’est reporté sur <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s sociétés <strong>africain</strong>es<br />

indépendantes. Ce sont <strong>le</strong>s nouveaux maîtres qui deviennent la cib<strong>le</strong><br />

de la critique des écrivains.<br />

Dans <strong>le</strong> <strong>roman</strong> anglophone 249 , c’est <strong>le</strong> même schéma de<br />

dénonciation du système colonial suivi d’un regard lucide envers <strong>le</strong>s<br />

nouveaux dirigeants <strong>africain</strong>s que nous retrouvons <strong>dans</strong> la tétralogie<br />

246 A. Biyidi, « Afrique noire, littérature rose? », arti. cit.<br />

247 La thèse de Lylian Kesteloot Négritude et situation colonia<strong>le</strong> est<br />

suffisamment claire sur <strong>le</strong> mythe de l’écrivain <strong>africain</strong> engagé. L’écrivain<br />

<strong>africain</strong> en Afrique francophone était vu et perçu de façon systématique<br />

comme engagé. Nous avons l’exemp<strong>le</strong> de Césaire, Senghor et Damas qui<br />

étaient non seu<strong>le</strong>ment des grands écrivains, de grands poètes mais aussi<br />

engagés politiquement. Se rapporter à Lylian Kesteloot, <strong>Les</strong> écrivains noirs de<br />

langue française : naissance d’une littérature, Université libre de Bruxel<strong>le</strong>s,<br />

Institut de sociologie, 1965.<br />

248 E. Boto, Vil<strong>le</strong> cruel<strong>le</strong>, op. cit.<br />

249 D. Coussy, <strong>dans</strong> un artic<strong>le</strong> intitulé « Une grande fresque colonia<strong>le</strong> »,<br />

résume en quelques mots la prise de position de l’écrivain anglophone sur la<br />

question de se réapproprier l’histoire, de réévaluer l’image du noir, et de<br />

dénoncer <strong>le</strong>s abus du pouvoir, qu’il soit occidental ou <strong>africain</strong> en ces<br />

termes : « l’écrivain <strong>africain</strong> va, en un premier temps, brosser un tab<strong>le</strong>au<br />

cha<strong>le</strong>ureux et impartial des époques précolonia<strong>le</strong>s et colonia<strong>le</strong>s, en essayant –<br />

autant que faire se peut – d’évaluer <strong>le</strong>s torts de chaque partie […]. A la suite,<br />

d’Achebe, une pléiade de <strong>roman</strong>ciers, vont eux aussi analyser l’impact colonial<br />

sur des communautés jadis fermées et quasi autonomes […]. Insensib<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong><br />

<strong>roman</strong> se déplace vers la vil<strong>le</strong> tentaculaire où se débattent des antihéros. Dès<br />

1960, Achebe avait projeté ses personnages <strong>dans</strong> <strong>le</strong> temps et l’espace. »<br />

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