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spirit n°17

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Phantom<br />

of the paradise<br />

Brian de Palma<br />

Opening Edition<br />

Réalisé après “Sisters”, son premier succès<br />

commercial notable, “Phantom of the<br />

paradise” reste la pièce maîtresse dans<br />

la filmographie 70 de Brian de Palma.<br />

Avec une absolue virtuosité, le formaliste<br />

surdoué mélangeait aussi bien “La damnation<br />

de Faust”, “Le fantôme de l’opéra”,<br />

l’horreur gothique, le fantastique post<br />

expressionniste que son obsession pour<br />

l’image (split screens, caméras, miroirs<br />

et vidéos) et l’assassinat de Kennedy.<br />

Précurseur de l’opéra rock (dont le<br />

navrant “Rocky horror picture show”),<br />

ce délire visuel prend à son compte le<br />

grotesque kubrickien de “Orange<br />

mécanique” pour l’appliquer à un conte<br />

noir sur la médiocrité avilissante du<br />

divertissement. Témoin de la vague<br />

nostalgique qui entraînait par le fonds<br />

l’industrie musicale, cette oeuvre raille<br />

aussi bien les moguls du spectacle<br />

(Swan, génial Paul Williams, en caricature<br />

ultime de Phil Spector) que les aspirants<br />

à la célébrité (Phoenix, épatante Jessica<br />

Harper). Pillé par Kiss, George Lucas et<br />

tous les aspirants gothiques, cette merveilleuse<br />

et terriblement visionnaire série b, qui<br />

voulait embarquer Bowie et les Stones<br />

mais révéla l’incroyable Gerrit Graham,<br />

rendait hommage à la tradition camp<br />

des films de Warhol et Morrissey.<br />

Rarement de Palma fut autant en état<br />

de grâce. Preuve irréfutable que c’est<br />

bien dans le cinéma de genre qu’il s’épanouit.<br />

[Marc Bertin]<br />

La Belle et la Bête<br />

Jean Cocteau<br />

Studio Canal, édition collector 2 DVD<br />

Si l’on compare deux films français<br />

marquants de la fin de la Seconde<br />

Guerre mondiale, on peut rapprocher<br />

Cocteau et Carné. Le premier pour<br />

l’onirisme qui met la guerre entre<br />

parenthèse dans “La Belle et la Bête”,<br />

le second pour son réalisme magique<br />

avec “Les Visiteurs du Soir” qui eut<br />

quelques ennuis avec la censure de<br />

l’Occupation pour un Jules Berry en<br />

diable plus vrai que nature… Pourtant,<br />

les cauchemars archétypaux de l’enfance<br />

sont-ils si différents des horreurs du<br />

nazisme sous couvert des “Riches<br />

heures du duc de Berry” ? La dictature,<br />

l’extermination et la toute-puissance<br />

revendiquée n’ont-elles pas un rapport<br />

direct avec la peur du méchant loup<br />

caché au coin des mauvais rêves ?<br />

Avec René Clément et Henri Alekan à<br />

l’image, Georges Auric à la musique,<br />

Christian Bérard aux décors et costumes,<br />

Jean Marais et Josette Day (compagne<br />

de Marcel Pagnol) au casting, Cocteau<br />

réussit un classique et un chef d’œuvre.<br />

On peut s’amuser de la version française<br />

qui ne propose pas aujourd’hui, l’opéra<br />

éponyme de Philip Glass qui suit le film<br />

à l’image près comme dans la version<br />

Criterion ; mais se féliciter du magistral<br />

travail de restauration effectué sur<br />

l’image et des bonus du second DVD<br />

qui offre une lecture ésotérique du film.<br />

Cocteau, balance un boulet de canon<br />

(poétique, mais quand même !) avec ce<br />

film qui se lit total alchimique, en faisant<br />

passer par l’épreuve des transformations<br />

ses héros pour les amener à un autre<br />

niveau de vécu. Ainsi, dépasse-t-il le<br />

chaos du début du film (la Bête demandant<br />

au père de Belle une de ses filles pour<br />

le venger d’avoir mutilé son jardin),<br />

pour faire de ses héros des êtres évolués<br />

qui ont traversé la transmutation alchimique<br />

des éléments pour s’ouvrir au monde et<br />

à la connaissance. En surmontant les<br />

horreurs du chaos (de la guerre) on<br />

passe dans une autre dimension, on en<br />

sort transformé (la paix et les moyens<br />

de ne pas recommencer, et une meilleure<br />

connaissance de soi-même). Voilà comment,<br />

en usant d’archétypes, Cocteau offre<br />

une lecture de ce qu’est la guerre<br />

(un passage) qui mène ailleurs vers<br />

d’autres états plus glorieux (un autre<br />

niveau de conscience). Un chef d’œuvre<br />

magique et conçu comme tel, à voir et<br />

revoir, même en en connaissant les<br />

intimes ressorts. Ressorts que l’on voit<br />

en cours de montage dans “La Belle et<br />

la Bête, les coulisses du tournage”<br />

(Editions Le Pré aux Clercs), ouvrage<br />

signé Dominique Marny, petite-nièce de<br />

Cocteau, avec les photos de tournage<br />

de Corbeau pour des détails in situ.<br />

[J-P Samba]

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