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En attendant l'ouverture ! - familievereniging van outryve d'ydewalle

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posthume, ils ne l'ont même pas souhaité. Ils avaient une conception trop élevée de la vie pour attacher<br />

quelque prix aux satisfactions d'amour-propre.<br />

Louis Pijpers, lui aussi, a rendu à Dieu il y a quelques années son âme simple de garde-chasse. Vers<br />

la fin, il ne suivait plus les battues que d'assez loin en clopinant sur un bâton mais en jurant sur chaque<br />

lièvre manqué avec une énergie restée jeune. Hors les jours de chasse, il ne sortait plus guère. On lui faisait<br />

parfois visite dans sa bicoque enfumée. Il remuait volontiers les vieux souvenirs et ne manquait jamais de<br />

soulever une dalle de son arrière-cuisine pour faire voir son joyau. C'était une grosse chaîne de montre<br />

sertie de pépites d'or, il le croyait de bonne foi, que lui avait envoyée un jour son neveu parti pour les<br />

Amériques.<br />

La tradition des grands ancêtres n'est heureusement pas perdue. A la veille de cette guerre, les<br />

chasseurs du pays de Bruges se retrouvaient encore comme ceux d'il y a vingt ou quarante ans.<br />

Georges de Lophem remonte toujours volontiers la traque avec les hommes. Il porte invariablement<br />

le même vieux fusil à chiens mais la sûreté de son tir est un défi aux hamerless pourvus d'éjecteurs<br />

automatiques. Aucun gibier ne rebrousse impunément à portée de ses coups. Il cloue net au sol tout ce qui<br />

s'aventure dans le champ visuel de son minuscule pince-nez. Jacques d'Ydewalle est un autre spécialiste de<br />

ces combats d'arrière-garde. Peu prodigue de cartouches, il ne tire qu'après un moment de réflexion, jamais<br />

trop tard toutefois. Jacques se trouverait de<strong>van</strong>t dix lièvres à la fois que ses gestes n'en deviendraient pas<br />

plus agités, mais il aurait bientôt dix lièvres morts à ses pieds.<br />

A l'abri d'une barrière ou d'un fossé, les autres tireurs attendent leur proie. Les coups de feu sont<br />

d'abord assez espacés, mais sitôt que la battue est bien en train, ils crépitent d'un peu partout. Un habitué<br />

saurait d'après le son et la cadence des coups de fusil identifier les chasseurs sans les voir.<br />

Une bécassine se lève. Elle est saluée d'une rafale de cinq coups qu'on dirait jetés au hasard. C'est<br />

Thierry d'Ydewalle qui vide sa pompe. Avec lui il y a grande chance que la bécassine soit touchée du premier<br />

coup, mais c'est une habitude qu'il a de faire à ses victimes l'hommage d'une salve complémentaire. Voici<br />

un coup discret qu'on dirait tiré avec une carabine d'enfant. Le perdreau choit raide mort à une distance<br />

énorme du tireur. Cette fois, sans hésiter, tout le monde pense : "Bravo Max !" <strong>En</strong> effet, c'est Max de<br />

Lalaing qui fait des résultats étonnants avec un calibre minuscule. Seul ce prince des tireurs peut atteindre<br />

pareil degré de raffinement. Mais aussi, la chasse en Belgique ne compte qu'un Max de Lalaing !<br />

<strong>En</strong>tendez ces coups de feu tirés posément. Leur rythme régulier, presque grave, révèle l'assurance et<br />

la précision avec lesquelles Rodolphe <strong>van</strong> der Stegen remplit sa mission sacrée. Car pour lui la chasse est<br />

plus qu'un sport, c'est un sacerdoce. Aussi ce bon fusil fait-il toujours honneur à son poste. Mais si le gibier<br />

vient aussi volontiers de son côté, c'est peut-être parce qu'il n'a jamais donné à aucune bête l'occasion d'aller<br />

dire aux autres qu'il fallait se méfier de lui.<br />

Pan ! Pan ! Deux coups un peu trop précipités, et le lièvre continue son chemin d'un petit galop<br />

tranquille. Cela pourrait bien être signé Hubert d'Ydewalle ... Voici enfin d'autres coups de feu tirés à<br />

intervalles réguliers. Mais cette fois de longs silences viennent parfois en interrompre la cadence. Ces fusils<br />

là sont évidemment Carl <strong>van</strong> Caloen et Philippe Powis. Ils abattent avec brio tout ce qui passe à portée.<br />

Mais quand ils occupent deux postes voisins, l'envie les prend parfois d'échanger des propos d'affaires. Ils<br />

commentent les dernières nouvelles de la Bourse par-dessus un champ de luzerne. Le premier à profiter de<br />

ces bons tuyaux, c'est le gibier. Quand le garde crie : "Haas-e voorut !" [lièvre de<strong>van</strong>t], Carl répond :<br />

"Katanga", Philippe riposte : "Electrobel", et le lièvre f … le camp. La chasse n'est pas une spéculation à<br />

terme !<br />

Zzzt, pan ! Vous enlevez votre chapeau pour voir s'il n'est pas percé de plombs. A quelque distance,<br />

Manu d'Ydewalle vous observe du coin de l'œil en souriant dans sa moustache mérovingienne. Il a raison :<br />

avec lui rien à craindre ; on en est quitte pour l'émotion la première fois. Après, on s'habitue et c'est même<br />

un plaisir d'être placé non loin de ce tireur d'élite pour l'agrément spectaculaire des coups difficiles.<br />

La battue finie, les tireurs interpellent les hommes pour faire ramasser le gibier. Celui qui a<br />

beaucoup manqué fait un peu chercher quand même, comme si le nombre de ses victimes l'accablait au<br />

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