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LES TROUPES DE MARINE AU MEXIQUE

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Il y a 120 ans….<br />

<strong>LES</strong> <strong>TROUPES</strong> <strong>DE</strong> <strong>MARINE</strong> <strong>AU</strong> <strong>MEXIQUE</strong><br />

Médaille commémorative<br />

Expédition du Mexique<br />

L es drapeaux des 1 er , 2 e , 21 e et 23 e Régiments d'Infanterie de Marine portent l'inscription :<br />

"Puebla, 1863". Les étendards des 1 er et 11 e Régiments d'Artillerie de Marine: "Mexique<br />

1838 – 1863" ; celui du 2 e R.AMa : "Vera-Cruz, 1838".<br />

La guerre du Mexique (1862-1867) n'a pas bonne réputation dans notre Histoire : elle évoque<br />

en effet les erreurs qui ont conduit le Second Empire à l'effondrement de Sedan (1870). Mais ce<br />

n'est pas là une raison pour laisser dans l'oubli ce qu'ont accompli nos anciens il y a 145 ans et il<br />

y a 120 ans au Mexique, et qui a mérité ces inscriptions aux emblèmes sous les plis desquels<br />

nous avons eu, et un certain nombre de nos jeunes ont encore aujourd'hui, la fierté de servir.<br />

Le 17 mai 1983 marquera le 120 e anniversaire de la prise de Puebla, à laquelle participaient le<br />

colonel et un bataillon de marche du Régiment d'Infanterie de Marine mis sur pied pour cette<br />

expédition, ainsi qu'une batterie d'Artillerie de Marine.<br />

"L'Ancre d'Or" faillirait à sa mission si elle ne saisissait cette occasion de retracer une page<br />

quelque peu méconnue de l'histoire de notre Arme (1) .<br />

(L'Ancre d'Or Bazeilles n° 213 – mars avril 1983)<br />

L'ARTILLERIE <strong>DE</strong> <strong>MARINE</strong> A VERA-CRUZ EN 1838<br />

L a France, ayant de vifs sujets de plaintes contre le<br />

Mexique (2) , et toutes ses réclamations ayant été repoussées,<br />

envoyait en 1838 une escadre, sous les ordres de<br />

l'amiral Baudin, effectuer une démonstration sur les côtes<br />

orientales de ce pays.<br />

Un bataillon d'Artillerie de la Marine, aux ordres du chef<br />

de bataillon Collombel et fort de trois compagnies (3) de<br />

cent hommes, prit part, du mois d'août 1838 au mois de<br />

juin 1839, à cette expédition.<br />

Un détachement de cinquante hommes, commandé par<br />

le lieutenant en second Frébault (4) , assurait le service des<br />

mortiers sur les bombardes le Cyclope et le Vulcain.<br />

L'accès de Vera-Cruz, principal port du pays, était défendu<br />

par le fort de Saint-Jean d'Ulloa, alors armé de 193<br />

canons et dont la réputation était redoutable.<br />

Après un bombardement naval, le 27 novembre 1838,<br />

qui provoquait l'explosion du magasin à poudres et du<br />

parc à bombes, ce fort se rendait et était occupé par l'artillerie<br />

de la Marine.<br />

Puis, !e 5 décembre, une opération de vive force était effectuée<br />

de nuit contre Vera-Cruz. Le commandant Collombel<br />

conduisait au centre la colonne principale d'attaque en direction<br />

du quartier général mexicain.<br />

Le prince de Joinville (troisième fils de roi Louis-<br />

Philippe), capitaine de corvette (5) marchait à l'avant-garde ;<br />

il déploya la plus brillante conduite, entraînant ses hommes<br />

dans l'hôtel du gouverneur militaire, où le général<br />

mexicain Arista fut fait prisonnier.<br />

Pendant ce temps, les colonnes latérales, constituées<br />

par les compagnies de débarquement des navires, parcouraient<br />

les remparts et mettaient hors service 80 pièces<br />

de canon.<br />

———————————————<br />

(1) En 1962, "Tropiques", n° 449 avait évoqué le centième anniversaire de Puebla 1862 et 1863, sous la plume du général H. Jacomy. En 1973,<br />

dans ("L'Ancre d'Or", n° 151, Pierre Gentil, au retour d'un voyage au Mexique, avait, sous le titre "Les forts de Puebla en 1973", rappelé ces combats<br />

de 1862 et 1863 ;<br />

(2) Le Mexique était indépendant depuis 1829, après trois siècles de domination espagnole. C'est sur le rivage de Vera-Cruz que Fernand Cortez<br />

avait abordé en 1519.<br />

(3) Les commandants d'Artillerie de la Marine ne deviendront "chef d'escadron" et les unités élémentaires de cette Arme "batterie" que plus tard, en<br />

1860.<br />

(4) Charles. Victor Frébault (1813-1888) fera une brillante carrière : en 1854, comme chef de bataillon, il commandera le détachement de l'Artillerie<br />

de Marine en mer Baltique (cf. "L'Ancre d'Or" n" 191) ; gouverneur de la Guadeloupe en 1859, général de brigade en 1861, général de division en<br />

1867, inspecteur général de l'Arme, sénateur.<br />

(5) Il commandait "La Créole", corvette de 24 cannons.


Le Bataillon d'Artillerie de la Marine - à la tête duquel le<br />

capitaine Allier succédait au commandant Collombel (qui,<br />

atteint de fièvre jaune, était rapatrié en France) assurait l'occupation<br />

du fort de Saint-Jean d'Ulloa jusqu'à sa remise aux<br />

mexicains en avril 1839 une fois la paix conclue.<br />

L’INTERVENTION FANCAISE <strong>AU</strong> <strong>MEXIQUE</strong><br />

Pour ce qui nous intéresse, l'expédition du Mexique peut<br />

se diviser schématiquement en quatre phases :<br />

1.) Le débarquement à Vera-Cruz en janvier 1862, aux ordres<br />

du contre-amiral Julien de la Gravière, d'un corps expéditionnaire<br />

réduit et mis sur pied, il faut le dire, avec une<br />

certaine improvisation.<br />

Ceci dans le cadre initial d'une intervention franco-angloespagnole<br />

visant à sanctionner le non-respect par le gouvernement<br />

"libéral" de Juarez de ses obligations financières<br />

envers ses créanciers étrangers.<br />

Après un séjour pénible sous le climat extrêmement<br />

malsain de la bande côtière, nos troupes sont, en mars,<br />

implantées à Téhuacan, en zone tempérée.<br />

2.) L'action d'un corps expéditionnaire<br />

renforcé et à la tête duquel est désormais<br />

placé un général de l'Armée de Terre, le<br />

général de Laurencez.<br />

Les Anglais et les Espagnols se sont<br />

retirés. Le dessein de l'empereur Napoléon<br />

III est de contrecarrer l'expansion<br />

des Etats-Unis vers la mer des Caraïbes<br />

et l'Amérique latine.<br />

Une première tentative contre Puebla<br />

échoue faute des moyens suffisants (5 mai<br />

1862).<br />

Le maintien des communications avec Vera-Cruz absorbe<br />

une part importante des moyens, tant en raison du climat<br />

pernicieux des terres chaudes que du fait de la guérilla.<br />

Nous n'avons pas trouvé au Mexique les concours escomptés.<br />

Ralliée autour de Juarez, la population, dans sa<br />

majorité, nous est hostile.<br />

3.) Les opérations d'un corps expéditionnaire désormais<br />

commandé par le général Forey et porté à deux divisions<br />

d'infanterie et une brigade de cavalerie - que renforcent des<br />

forces auxiliaires mexicaines.<br />

Puebla est prise !e 17 mai 1863 après un siège éprouvant<br />

de deux mois, et au prix également de durs combats<br />

sur la ligne de communications, pour assurer l'acheminement<br />

de l'artillerie, des munitions, des approvisionnements<br />

nécessaires.<br />

Nos troupes entrent à Mexico le 7 juin.<br />

4.) Notre occupation est élargie.<br />

Pour priver les Mexicains des ressources qu'ils reçoivent<br />

de la mer par ce point, le port de Tampico est occupé en<br />

août 1863 (il l'avait été temporairement de novembre 1862<br />

à janvier 1863).<br />

Le maréchal Forey est remplacé par le général Bazaine.<br />

En fin d'année 1863, des opérations sont conduites en<br />

direction de l'ouest ; en 1864, elles se poursuivent dans le<br />

nord et le sud-ouest du pays.<br />

D ans ce cadre brossé à grands traits, les Troupes de<br />

Marine participent aux opérations initiales et à la première<br />

tentative contre Puebla en 1862, et au siège et à la prise<br />

de cette ville -en 1863.<br />

<strong>DE</strong> CHERBOURG, BREST ET LORIENT A VERA-CRUZ<br />

C'est le Régiment d'Infanterie de Marine qui. ensuite occupe<br />

Tampico.<br />

Mais, jusqu'en avril 1863, les marsouins ont aussi assumé<br />

une large part de la mission obscure et éprouvante de maintien<br />

de la ligne d'étapes de Vera-Cruz à Orizaba, et tout<br />

particulièrement dans les terres chaudes.<br />

Le Régiment de Marche d'Infanterie de Marine mis sur<br />

pied pour le Mexique est tiré par moitié des 1 er et 2 e de<br />

l'Arme, qui fournissent chacun six compagnies : trois provenant<br />

de France, trois des Antilles (6) .<br />

Le régiment est commandé par le colonel Hennique,<br />

avec le drapeau du 2 e Régiment - commandant en second<br />

: It-colonel Charvet.<br />

- 1 er Bataillon, chef de bataillon d'Arbaud, provenant du<br />

1 er Régiment : trois compagnies de Cherbourg, trois autres<br />

de la Martinique ;<br />

- 2 e Bataillon, chef de bataillon Campion, provenant du<br />

2 e Régiment : trois compagnies de Brest, trois de Guadeloupe.<br />

Initialement, le colonel Hennique se voit confier le commandement<br />

d'une brigade qui, outre son régiment, comprend<br />

:<br />

- un bataillon de matelots-fusiliers (six compagnies),<br />

- une batterie de six pièces de 4 rayées de campagne<br />

servies par l'Artillerie de Marine.<br />

lI s'agit de la 7 e Batterie (capitaine Mallat) provenant de<br />

la Guadeloupe.<br />

L'artillerie du corps expéditionnaire est commandée par<br />

le chef d'escadron d'Artillerie de Marine Delsaux (venant<br />

également de Guadeloupe).<br />

Notons dès à présent qu'en juillet 1862, le régiment du<br />

Mexique recevra une septième compagnie de chacun des<br />

deux régiments, provenant des Antilles.<br />

-----------------------------------------------------<br />

(6) Sur l'organisation et l'implantation des Troupes de Marine à l'époque, nos lecteurs peuvent se reporter au n° 191 de "L'Ancre d'Or", p. 4 et 5<br />

(la réorganisation de 1854-55).


La Martinique et la Guadeloupe enverront aussi au Mexique<br />

:<br />

- deux compagnies indigènes d'ouvriers du Génie<br />

("génie colonial") - l'une de Martinique, l'autre de Guadeloupe,<br />

commandées par le capitaine d'Artillerie de Marine<br />

Maréchal, belle figure d'officier dont nous reparlerons ;<br />

- une compagnie franche des Antilles, formée de volontaires<br />

créoles, aux ordres du capitaine Daubas, avec un<br />

noyau d'une douzaine de cadres et soldats de l'Infanterie<br />

de Marine.<br />

Avant de retrouver nos anciens dans l'accomplissement<br />

de leurs missions de combat, il n'est pas sans intérêt<br />

en 1983, à l'époque des transports en Transall ou en<br />

D.C.8 d'évoquer les conditions dans lesquelles les unités<br />

expéditionnaires rejoignaient à i'époque un théâtre d'opérations<br />

lointain.<br />

L es unités d'Infanterie de Marine provenant des portions<br />

centrales de Cherbourg et Brest sont réparties à<br />

bord des quatres frégates :<br />

- l' "Ardente", la "Guerrière" qui quittent Brest le 12 novembre<br />

1861,<br />

- l' "Astrée" qui quitte Lorient (7) le même jour,<br />

-le "Montezuma" qui quitte Brest le 14 novembre.<br />

L' "Ardente" et la "Guerrière" sont des frégates mixtes de<br />

1 er rang à hélice, l' "Astrée" une frégate mixte de 2 e rang<br />

à hélice ; ces trois bâtiments sont armés en guerre. Le<br />

"Montezuma" frégate mixte de 1 er rang à roues, est armée<br />

en transport.<br />

Le 24 novembre, ces bâtiments sont réunis en rade de<br />

Santa-Cruz de Ténérîffe (îles Canaries) autour du vaisseau<br />

"Masséna" qui porte le pavillon de l'amiral.<br />

Le 25 novembre, la division navale quitte Ténérife. Les bâtiments<br />

naviguent en route libre vers la Martinique - sauf le<br />

"Montezuma" qui doit toucher d'abord à la Guadeloupe pour<br />

y prendre les trois compagnies d'Infanterie de Marine et le<br />

personnel de la Batterie d'Artillerie de Marine.<br />

A bord des bâtiments, qui sont surchargés, la traversée<br />

est fort inconfortable. Dans les batteries, qui sont basses et<br />

où l'état de la mer nécessite généralement de maintenir les<br />

sabords fermés, il est très sagement "interdit de respirer<br />

avec le nez". L'eau douce est strictement rationnée, les<br />

rations sont peu variées. D'autre part, le charbon devant<br />

être économisé, une grande partie de la navigation se fait<br />

à la voile.<br />

A la Martinique, où la "Guerrière" arrive le 9 décembre,<br />

l' "Astrée" et l' "Ardente" le 10, les unités sont mises à terre<br />

et casernées ou installées au bivouac à Fort Desaix pendant<br />

quelques jours. L'escadre appareille de Fort-de-France<br />

le 17 décembre, mouille le 22 en rade de Kingston<br />

(Jamaïque) et arrive le 27 à La Havane (Cuba) où rallient, le<br />

31 décembre, le "Montezuma" qui transporte les trois compagnies<br />

de la Guadeloupe, et le 1 er janvier, le transport<br />

"Aube" (8) qui transporte les trois compagnies de la Martinique.<br />

A La Havane, l'escadre avait été précédée par l'aviso<br />

"Berthollet", dont le commandant avait notamment mission<br />

d'acheter 50 chevaux et 200 mulets. En effet, à son<br />

départ de métropole, le corps expéditionnaire n'a pas été<br />

pourvu de moyens de transport ; il doit se procurer animaux<br />

et voitures aux escales des Antilles et une fois sur<br />

place au Mexique.<br />

Le commandant du "Berthollet" était également chargé<br />

de faire l'acquisition à La Havane de quatre chalands maniables<br />

pour le débarquement des chevaux.<br />

Le 2 janvier 1862, l'escadre quitte La Havane. Le 7 au<br />

soir, elle mouille en rade de Sacrificios devant Vera-Cruz et<br />

le célèbre fort de Saint Jean d'Ulloa. Mais, au lieu d'agir de<br />

concert avec nous selon les termes de la convention, les<br />

Espagnols nous ont précédés de trois semaines, et ont occupé<br />

le fort et la ville dés le 17 décembre.<br />

Le débarquement de nos troupes commence le 9 janvier.<br />

L'Infanterie de Marine n'est mise à terre que les 11,<br />

12 et 14 janvier, pour occuper initialement à Vera-Cruz<br />

les casernes abandonnées par les Mexicains.<br />

A la suite d'une série de contretemps, le transport la<br />

"Meuse", à bord duquel ont été chargés le matériel d'artillerie<br />

et les effets de campement des troupes d'Infanterie de Marine,<br />

n'a appareillé de Lorient que le 29 novembre, et n'arrivera<br />

devant Vera-Cruz que le 29 janvier.<br />

Implanté fin janvier à La Téjéria, à 12 km de Vera-Cruz<br />

sur la ligne de chemin de fer en construction - et où le colonel<br />

Hennique exerce d'ailleurs le commandement depuis<br />

le 11 - le régiment est installé sous de grandes tentes aménagées<br />

"avec des voiles de rechange et des bouts de<br />

mâts" (sic), en attendant l'arrivée de ses effets de campement<br />

– qu'il recevra enfin le 5 février.<br />

Le 13 janvier, la 10 e Compagnie avait fait partie de la colonne<br />

d'escorte des trois commandants alliés effectuant une<br />

reconnaissance sur Medellin.<br />

A la 7 e Batterie, dès la réception du matériel débarqué<br />

de la "Meuse", le capitaine Mallat entreprend de mettre son<br />

unité en état d'entrer en campagne. Sa tâche n'est pas facile<br />

: le personnel arrive des Antilles, le matériel vient de<br />

France, les animaux ont été achetés à La Havane et au<br />

Mexique... La Batterie quittera Vera-Cruz le 19 février<br />

pour Santa Fe puis Téjéria.<br />

Le commandement a hâte de sortir les troupes de la<br />

bande côtière, dont le climat est terriblement éprouvant.<br />

Mais les Mexicains ayant fait le vide, on a le plus grand<br />

mal à réunir le minimum de moyens de transport indispensable<br />

pour ce mouvement vers l'intérieur.<br />

Au moment d'entrer en campagne, à la date du 28 janvier<br />

1862, la situation d'effectifs est la suivante :<br />

- Régiment d'Infanterie de Marine : 47 officiers, 1 296<br />

sous-officiers et soldats, 1 cantinière, 15 chevaux, 37 mulets<br />

;<br />

- 7 e Batterie : 4 officiers, 208 sous-officiers et soldats,<br />

29 chevaux, 154 mulets.<br />

(Le 5 février, le Régiment d'Infanterie de Marine a 85 hommes<br />

à l'hôpital et à l'ambulance et 98 malades sous la<br />

tente et indisponibles).<br />

-----------------------------------------------------<br />

(7) Les trois compagnies de Cherbourg ont été amenées à Brest par le "Bayard" (vaisseau de 3 e rang à hélice), l'une d'entre elles a poursuivi jusqu'à<br />

Lorient par le "Souffleur" (aviso de 1" rang à roues).<br />

(8) "L'Aube" faisait partie des bâtiments en provenance de Méditerranée, regroupés à Santa-Cruz, de Ténériffe avec ceux venus de Brest et Lorient. Arrivé<br />

à Fort-de-France le 14 décembre, il en était reparti le 22 avec le "Montezuma".


Embarquées aux Antilles le 2 juillet 1862 par le paquebot<br />

"La Floride", les deux compagnies de renfort arriveront à<br />

Vera-Cruz, le 12.<br />

La première compagnie indigène d'ouvriers du Génie<br />

LE THEATRE <strong>DE</strong>S OPERATIONS<br />

Quelques mots sur la topographie et le climat du théâtre<br />

des opérations sont indispensables.<br />

La côte orientale du Mexique est basse, sablonneuse,<br />

bordée de lagunes, exposée au "Norte" (vent du nord)<br />

parfois très violent et à juste titre redouté des navigateurs.<br />

En pénétrant vers l'intérieur du pays, on trouve successivement<br />

:<br />

Les Terres Chaudes (tierras calientes), bande large de 80<br />

km environ où pendant l'été, ou saison des pluies - de<br />

mai à septembre - règne une chaleur humide et excessive,<br />

qui rend cette région marécageuse extrêmement malsaine<br />

; c'est un terrain particulièrement propice pour la fièvre<br />

jaune ("vomito negro") face à laquelle la médecine<br />

d'alors est désarmée.<br />

Sur la route vers Puebla par Orizaba, le rio Chiquihuite<br />

marque la limite des terres chaudes ; au-delà de ce cours<br />

d'eau, la route gravit en lacets serrés des hauteurs (col à<br />

375m d'altitude) qui constituent une position militaire importante,<br />

donnant de larges vues vers l'est et que les<br />

Mexicains ont d'ailleurs valorisée par d'importants travaux<br />

de défense. Ce sont les derniers contreforts du pic d'Oriza-<br />

sera acheminée fin juillet par le paquebot "Le Tampico".<br />

La compagnie de volontaires embarquera le 22 octobre<br />

sur la frégate à voiles "La Sibylle" qui a quitté Cherbourg<br />

le 16 septembre et sera à Vera-Cruz le 9 décembre.<br />

Le passage des Cumbres. Progressant vers Puebla, nos colonnes traversent les<br />

Cumbres d’Aculcingo, après que les troupes de Zaragoza en eurent été délogées.<br />

Le danger aérien n’existait pas encore !...<br />

ba (5 450 m) dont, lorsque le ciel est dégagé, la silhouette<br />

domine toute la région, et accueille d'ailleurs le navigateur<br />

abordant Vera-Cruz.<br />

Les Terres Tempérées (terras templadas), avec deux paliers<br />

:<br />

-plateau de Cordoba, d'une altitude moyenne de 900m,<br />

- plateau d'Orizaba (altitude moyenne 1 200 m).<br />

Sur la route qui relie ces deux villes, on passe de l'un à<br />

l'autre au Cerro Cacalote, "escalier" de 300m. Ce sont là<br />

des campagnes peuplées et fertiles, avec de riches plantations<br />

(canne à sucre, caféiers, bananiers), de belles haciendas.<br />

Sur la route vers Puebla, les terres tempérées se terminent<br />

au pied des Cumbres d'Aculcingo, coupure dans la<br />

gigantesque falaise qui soutient le plateau d'Anahuac.<br />

Pour gravir les dénivelées successives des Grandes Cumbres<br />

(650 m), puis des Petites Cumbres (150m), la route<br />

dessine une quarantaine de lacets (voir l'illustration "le<br />

passage des Cumbres").<br />

Les Terres Froides (tierras frias), au climat plus sec, avec<br />

le plateau d'Anahuac (altitude 2 200 m) où est située Puebla,<br />

et qui est séparé de la cuvette de Mexico par<br />

l'énorme massif du Popocatepelt (5 439 m) et de l'Ixtaccihualt<br />

(4 790 m).


Profil d’après un document publié par la revue « Revue maritime et coloniale » en 1863<br />

LA PREMIERE TENTATIVE CONTRE PUEBLA<br />

Des négociations ouvertes avec le gouvernement mexicain<br />

aboutissent à la convention de La Soledad (19 février<br />

1862) qui prévoit la poursuite des conversations à Orizaba<br />

et, en attendant, autorise les troupes françaises et espagnoles<br />

à occuper des endroits plus salubres sur les terres<br />

tempérées - sous réserve de rétrograder en cas de<br />

rupture des pourparlers. Le 26 février, les troupes françaises<br />

se mettent en route pour Téhuacan, petite ville à<br />

45 lieues mexicaines (188km) de Vera-Cruz, qui - après<br />

des étapes extrêmement pénibles dans la traversée des<br />

Terres Chaudes - sera atteinte le 13 mars.<br />

Les unités y sont casernées dans d'anciens couvents<br />

abandonnés (le Régiment d'Infanterie de Marine au couvent<br />

del Carmen, l'artillerie au couvent de San Francisco).<br />

En mars, arrive le nouveau commandant du corps expéditionnaire,<br />

le général de Laurencez : parti de Cherbourg le 28<br />

janvier sur l'aviso rapide "Le Forfait", il a débarqué à Vera-<br />

Cruz le 6 mars ; ayant quitté ce port le 20 mars, il arrive à<br />

Téhuacan le 26.<br />

Il n'est pas peu surpris de la situation qu'il trouve : pour<br />

se conformer aux engagements pris, nos unités doivent rétrograder.<br />

Parties de Téhuacan le 1 er avril, elles arrivent à Cordoba<br />

le 8. Conformément à la convention, les malades (au nombre<br />

de 340 avec 3 médecins et 30 infirmiers) ont été laissés<br />

à Orizaba au passage.<br />

Cependant, les menaces que les Mexicains font peser sur<br />

nos malades incitent le général de Laurencez à interrompre<br />

le mouvement rétrograde. Et, le 20 avril, nos troupes<br />

reprennent la marche vers l'ouest.<br />

Le colonel Hennique commande l'arrière-garde, qui comprend<br />

notamment son 2 e Bataillon. Les Mexicains ne défendent<br />

pas Orizaba qui est occupée dans la journée du 21.<br />

Le 1 er Bataillon rejoint les 22, 23 et 24 avril, en assurant<br />

l'escorte de convois (400 mulets chargés de vivres, 76 voitures<br />

chargées de matériel et de provisions en tout genre...).<br />

Nous avons relevé ces précisions dans le journal de marche,<br />

pour marquer de quel poids pèse la logistique dans<br />

cette expédition, et faire mieux apprécier les moyens dont<br />

on dispose généralement aujourd'hui, en 1983, pour livrer<br />

aux troupes en opérations leurs ravitaillements.<br />

Le 26 avril, commence la marche sur Puebla (120km).<br />

Le chef de bataillon Campion demeure à Orizaba avec<br />

deux compagnies de son Bataillon et une section d'Artillerie<br />

de Marine.<br />

Assurant ce jour-là, à l'arrière-garde, la protection du<br />

convoi (220 chariots), le Régiment d'Infanterie de Marine<br />

ne participe pas, le 28, au combat qui est livré au passage<br />

des Combrés d'Aculcingo, contre les troupes du général<br />

Zaragoza. Mais la batterie d'Artillerie de Marine y est<br />

engagée.<br />

Le 5 mai 1862, le Régiment et la Batterie prennent part à<br />

l'attaque de vive force contre Puebla, seconde ville du<br />

Mexique (74 000 habitants) que Zaragoza défend avec<br />

12000 hommes.<br />

L'action vise la colline escarpée que coiffent le couvent fortifié<br />

de Guadalupe et le fort de Loreto qui, à un kilomètre au<br />

nord-est, dominent la ville d'une centaine de mètres.<br />

La 7 e Batterie participe au duel d'artillerie, mais sans parvenir<br />

à faire brèche. Sept compagnies du R.I.Ma sont engagées<br />

sur les pentes escarpées. Un orage tropical d'une exceptionnelle<br />

violence oblige à mettre fin aux assauts. Les<br />

pertes sont lourdes : au seul R.I.Ma, 7 tués, dont 3 officiers,<br />

57 blessés dont 2 officiers, 35 disparus.


Le général de Laurencez ayant renoncé à renouveler<br />

l'attaque sur un autre point, porte son camp le 6 mai à 3<br />

km de Puebla et s'y maintient jusqu'au 8, espérant que les<br />

Mexicains vont accepter le combat en rase-campagne ;<br />

mais ceux-ci ont la prudence de se contenter de leur succès<br />

défensif.<br />

Le corps expéditionnaire rétrograde vers Orizaba, où il<br />

arrive le 18. (Ce jour-là, un échec est infligé à l'ennemi à la<br />

Déchargement de chevaux dans le port de Vera-Cruz<br />

Baranca-Secca, aux portes d'Orizaba. mais l'Infanterie et<br />

l'Artillerie de Marine ne sont pas engagées dans cette action).<br />

Le Régiment d'Infanterie de Marine et la Batterie d'Artillerie<br />

de Marine doivent être implantés à Cordoba.<br />

Attaque de vive force de Puebla, 5 mai 1862. Gravure publiée par « L’Illustration » en 1862 d’après les croquis de son envoyé<br />

spécial. L’infanterie de marine gravit les pentes escarpées qui conduisent au couvent fortifié de Guadalupe, mais l’artillerie n’est<br />

pas parvenue à faire la brèche


LA SECURITE <strong>DE</strong> LA LIGNE <strong>DE</strong> COMMUNICATIONS<br />

Pendant la marche sur Puebla, les guérillas adverses<br />

ont inquiété Vera-Cruz et coupé les communications entre<br />

l'Armée et ce port.<br />

Un des premiers soins du général de Laurencez est de<br />

dégager cette ligne de communication vitale.<br />

Le colonel Hennique, disposant de son régiment renforcé<br />

de différentes unités, dont notamment la 1 e Batterie<br />

(moins une section), reçoit<br />

mission de déloger les<br />

Mexicains installés au Chiquihuite,<br />

endroit le plus<br />

critique de cette ligne de<br />

communication, et d'y rétablir<br />

le passage.<br />

La position de Chiquihuite<br />

est réoccupée le 24<br />

mai (l'ennemi laisse sur le<br />

terrain dix pièces de canon),<br />

les abattis sont dégagés,<br />

les ponts de bois brûlés<br />

par l'ennemi sont réparés<br />

; le passage d'un<br />

convoi de deux cents chariots vides vers Vera-Cruz est assuré.<br />

Le 28 mai, le régiment gagne Cordoba, qu'il met les jours<br />

suivants en état de défense.<br />

Le 14 juin, le canon se fait entendre en direction d'Onzaba<br />

où une attaque mexicaine est brisée : la section de la 7 e<br />

Batterie restée à Orizaba sous le commandement du lieutenant<br />

Bailly et implantée à l'entrée de la ville, a contribué à ce<br />

succès (La veille, le chef d'escadron Delsaux avait été enlevé<br />

par les avant-postes ennemis ; il devait être libéré, en<br />

échange d'un officier mexicain prisonnier).<br />

D u 18 juin au 18 juillet, le It-colonel Charvet, avec<br />

initialement le 1 er Bataillon renforcé de deux compagnies,<br />

tient la position de Chiquihuite. (Le 10 juillet, le commandant<br />

d'Arbaud remontera à Orizaba avec quatre compagnies).<br />

Du 26 juin au 21 juillet, le colonel Hennique, avec une co-<br />

lonne comprenant notamment son 2 e Bataillon (réduit à quatre<br />

compagnies) assure l'acheminement d'un important<br />

convoi de Cordoba à Tejeria (128 chariots vides) et retour<br />

de ce point à Orizaba avec 95 chariots chargés de vivres.<br />

Citons seulement quelques lignes du journal des marches<br />

et opérations du colonel Hennique :<br />

A l'aller :<br />

« A Rio de Piedra (,) nous reconnaissons (...) les traces récentes<br />

d'un convoi français incendié par les guérillas mexicains.<br />

Le (col. Hennique) s'empresse de faire ramasser<br />

les débris de nos malheureux<br />

camarades, défaire creuser<br />

des fosses et de leur donner<br />

la sépultures".<br />

Au retour :<br />

"La terre avait été détrempée<br />

toute la nuit par une<br />

pluie qui ressemblait à un<br />

déluge….<br />

"Nos voitures ne peuvent<br />

avancer avec un simple attelage.<br />

Il faut doubler, tripler et<br />

quadrupler, il faut même décharger<br />

quatorze de nos voitures<br />

qui se sont tellement<br />

engagées dans la boue, qu'il est impossible de les en arracher...<br />

"Que chacun sache bien à l'avenir, qu'à partir du mois<br />

de juin, les convois de voitures chargées sont impossibles...<br />

tous les convois (...) doivent se faire à dos de mulets... En<br />

faisant autrement, on s'expose à perdre ses convois. On<br />

peut même dire avec certitude que pas un convoi de chariots<br />

chargés n'arriverait à destination, si l'ennemi savait tirer<br />

parti des immenses difficultés que nous oppose le climat<br />

depuis le mois de juin jusqu'au mois de septembre".<br />

Au sujet des attelages, précisons que les gros chariots<br />

mexicains à quatre roues (d'importation américaine) dont le<br />

chargement excède parfois trois tonnes, sont normalement<br />

tirés par 8 à 10 mules, quelquefois 16 ou 24…<br />

Notre illustration complète bien les commentaires sur les<br />

difficultés rencontrées.<br />

Convoi de transport au Mexique<br />

(« L’Illustration » 1° semestre 1863). Ce<br />

dessin, restitué d’après des croquis faits<br />

sur le terrain par le correspondant spécial<br />

de cette revue, illustre bien les difficultés<br />

évoquées par le journal de marche du<br />

colonel Hennique, et le poids de la logistique<br />

dans cette campagne, sur lequel<br />

nous avions déjà insisté.


D u 19 au 28 juillet, le It-colonel Charvet et ses quatre<br />

compagnies protègent la réparation du pont de Rio<br />

Secco.<br />

Le 30 juillet, le régiment se trouve regroupé à Orizaba,<br />

sauf une des compagnies arrivant des Antilles et qui a été<br />

maintenue à Vera-Cruz.<br />

Le 18 septembre, le tt-colonel Charvet redescend d'Orizaba<br />

vers les terres chaudes avec le 2 e Bataillon pour aller<br />

garder la position de la Soledad (passage de la rivière et<br />

dépôt de vivres).<br />

En novembre, le 2 e Bataillon quitte la Soledad pour Tejeria.<br />

Le 1 er Bataillon est implanté au Chiquihuite. Le colonel<br />

Hennique doit résider à Vera-Cruz comme président du<br />

conseil de guerre.<br />

Le 19 décembre, le 1 er Bataillon quitte Chiquihuite et descend<br />

à la Soledad, Tejeria, Medellin.<br />

Le 2 e Bataillon, avec trois compagnies (5 e , 8 e 13 e ) embarque<br />

à Vera-Cruz dans les derniers jours de décembre pour<br />

participer à l'occupation temporaire de Tampico ; il rentrera<br />

à Vera-Cruz le 21 janvier (deux autres compagnies sont<br />

restées dans ce port, et une autre a été implantée très<br />

temporairement à Loma de Pie-dra).<br />

Le 17 décembre, le colonel Hennique, désigné comme<br />

commandant supérieur à Orizaba, avait dû passer le commandement<br />

du régiment au lt-colonel Charvet ; mais après<br />

avoir rejoint son nouveau poste, il avait obtenu du commandant<br />

en chef de reprendre le commandement de son<br />

régiment, avec P.C. à la Soledad, qu'il avait rejoint le 3 janvier.<br />

En septembre, avait débarqué le nouveau commandant<br />

en chef, le général Forey : Ayant quitté Cherbourg le<br />

28 juillet sur le vaisseau "Turenne", il était arrivé à Vera-Cruz<br />

le 21 septembre, à Orizaba le 24 octobre ; les hautes autorités<br />

responsables devaient, à l'époque, s'accommoder de<br />

tels délais !<br />

Le corps expéditionnaire compte désormais deux divisions<br />

d'infanterie (général Bazaine, général Douay), une brigade<br />

de cavalerie (général de Mirandol), une réserve d'artillerie,<br />

du génie, des services.<br />

Du côté mexicain, Zaragoza, mort en septembre du typhus,<br />

a été remplacé par Ortega.<br />

Avant d'entreprendre la marche sur Puebla, le général<br />

Forey organise solidement sa ligne de communication avec<br />

Vera-Cruz.<br />

Les postes de la Tejeria, de la Soledad, de Medellin et<br />

Alvarado, sont rattachés au commandant supérieur de Vera-Cruz<br />

(un capitaine de vaisseau) - les postes plus à<br />

l'ouest étant rattachés au commandant supérieur d'Orizaba,<br />

et tenus par des unités de la "Guerre" : infanterie de<br />

ligne, zouaves, tirailleurs algériens...<br />

Alors que le colonel Hennique va participer avec un bataillon<br />

de marche à l'action contre Puebla, le It-colonel Charvet<br />

et le commandant Cam pion, avec les huit compagnies<br />

restantes du régiment, sont maintenus à la sécurité de la ligne<br />

de communication dans les Terres Chaudes : le Itcolonel<br />

à la Soledad avec quatre compagnies, le commandant<br />

à la Tejeria avec deux compagnies et demi, une compagnie<br />

à Vera-Cruz, une section à Medellin.<br />

Les compagnies du "génie colonial" sont réparties entre<br />

la Tejeria et la Soledad ; les volontaires des Antilles le sont<br />

entre Vera-Cruz et Medellin.<br />

Dans la mission ingrate qui incombe à ces unités, le service<br />

est fait de gardes, de "reconnaissances journalières", d'<br />

"escorte(s) de convois sur toute la ligne de Vera-Cruz à<br />

Orizaba et vice-versa". ..."es guérilleros, invisibles et insaisissables,<br />

cachés dans les broussailles qui bordent la route,<br />

épiaient continuellement une occasion favorable pour attaquer".<br />

Cela, nous l'avons vu, sous un climat extrêmement<br />

éprouvant : en saison des pluies, sol détrempé, routes et<br />

chemins transformés en cloaques, où la progression des<br />

hommes et des bêtes est extrêmement pénible ; en saison<br />

sèche, poussière qui s'accumule sur les routes, rendant la<br />

marche harassante...<br />

Sous le climat tropical des terres chaudes, les marsouins<br />

portent le chapeau de paille.<br />

Le 31 mars, les chantiers du chemin de fer de la Soledad<br />

ont été envahis et les travaux perturbés.<br />

Relevées début avril, nos huit compagnies quitteront la<br />

Soledad le 5 et arriveront à Cordoba le 8 ayant, au passage,<br />

laissé un poste à Rio Secco.<br />

C ertains lecteurs trouveront peut-être que ces missions<br />

de routine, sans faits d'armes mémorables, ne justifient<br />

guère le développement qui leur a été donné.<br />

Nous avons pensé au contraire que ces marsouins anonymes,<br />

qui ont maintenu la ligne d'étapes des Terres Chaudes<br />

mexicaines, méritaient bien que leurs peines, leurs fatigues,<br />

leurs sacrifices, soient évoqués.<br />

Dans toutes les campagnes il en est ainsi : pour que les<br />

objectifs du haut-commandement soient atteints, que quelques<br />

unités soient à même, le jour venu, d'être engagées<br />

dans l'affaire dont l'Histoire retiendra le nom et la date,<br />

beaucoup d'autres doivent, avant, pendant et après, assumer<br />

avec abnégation des tâches obscures : gardes, patrouilles,<br />

reconnaissances, escortes de convois... qui demandent<br />

endurance et courage, et dans lesquelles il faut<br />

demeurer capable de déployer les mêmes qualités de combattant...<br />

avec bien peu de chance d'avoir les honneurs du<br />

communiqué !<br />

Pour réagir contre la tentation de routine, et maintenir<br />

leur troupe au niveau d'entraînement et de combativité indispensable,<br />

il faut, aux chefs des unités auxquelles incombent<br />

ces missions "de secteur" peu recherchées, beaucoup<br />

de force d'âme et de désintéressement. De plus, face aux<br />

situations difficiles, le chef de petite unité agissant isolément<br />

doit être capable de trouver en lui-même les ressources nécessaires,<br />

sans pouvoir compter sur l'effet d'entraînement et<br />

d'émulation que comporte le combat "encadré ".<br />

C'est d'ailleurs dans l'accomplissement d'une mission d'<br />

"ouverture de route" sur la ligne d'étapes, à mi-chemin entre<br />

Vera-Cruz et Orizaba, en un lieu où les marsouins étaient<br />

souvent passés dans des missions semblables, que la 3 e<br />

Compagnie du Régiment Etranger, placée ce jour-là sous le<br />

commandement du capitaine Danjou, devait, le 30 avril<br />

1863. se sacrifier bravement au cours du combat de Camaron<br />

(francisé depuis en Camerone), dont la Légion célèbre<br />

chaque année le souvenir, comme nous commémorons<br />

nous-même le sacrifice de la Maison des dernières<br />

cartouches de Bazeilles.


Le fort de Guadalupe en 1863 (« L’Illustration », 1° semestre<br />

1863). En comparant avec la vue de l’attaque du 5 mai 1862 qui<br />

illustrait le 1° partie de cette article, on peut apprécier l’importance<br />

des travaux défensifs effectués dans l’intervalle par les<br />

mexicains<br />

LA PRISE <strong>DE</strong> PUEBLA<br />

En déployant beaucoup de ténacité, le colonel Hennique a<br />

obtenu de participer à la marche sur Puebla avec une partie<br />

de son régiment (que certains auraient bien vu rester en totalité<br />

sur les Terres Chaudes pour y assurer la sécurité de la<br />

ligne d'étapes).<br />

Un bataillon de marche est constitué aux ordres du chef de<br />

bataillon Bossant avec trois compagnies du 1 er Régiment (2 e ,<br />

3 e , 4 e ), trois compagnies du 2 e Régiment (9 e , 25 e , 28 e ).<br />

Ce bataillon quitte la Tejeria le 14 lévrier avec un important<br />

convoi de mulets et un autre de 85 chariots chargés de<br />

vivres. Il passe à Orizaba le 21 et arrive à Aculcingo le 22<br />

février.<br />

Le bataillon de marche est intégré à la brigade du général<br />

Neigre. Il quitte Aculcingo pour moitié le 7 et pour le reste le<br />

11 mars avec un convoi de 28 chariots chargés de munitions.<br />

Le journal des marches et opérations relate que, le 14, les<br />

marsouins découvrent au loin le Popocatepelt (5 439m) couvert<br />

de neige.<br />

Du 17 au 21 mars, l'Infanterie de Marine escorte les<br />

convois et protège la mise en place des parcs d'artillerie et<br />

du génie au cours de l'investissement de Puebla.<br />

Les travaux du siège ont commencé dès le 18.<br />

Les Mexicains avaient activement mis à profit le temps<br />

qui leur avait été laissé depuis l'année précédente : la place<br />

qui avait été sérieusement fortifiée, était tenue par une garnison<br />

de 22 000 hommes bien approvisionnés et au moral<br />

élevé.<br />

Sur le périmètre de la ville ont été construits des ouvrages<br />

de terre se flanquant les uns les autres.<br />

Dans la ville même, où les rues se coupent le plus souvent<br />

à angle droit, chaque îlot de maisons rectangulaire, ou<br />

"cadre", a été aménagé en vue de sa défense. Il y avait 158<br />

"cadres", qu'on .numérota sur les plans, pour faciliter les ordres<br />

et les compte-rendus.<br />

------------------------------<br />

( 1 ) 535 officiers mexicains seront, a Vera-Cruz, embarques sur "La Cérés" destination de la France.<br />

"Toutes les rues sont barricadés et garnies de pièces de canon.<br />

Chaque maison représente une forteresse remplie de<br />

défenseurs qui ne se montrent pas et qu'il est impossible de<br />

combattre, par conséquent. Les toits des maisons, qui sont<br />

plats à la mode espagnole, sont garnis d'obusiers et de soldats<br />

abrités derrière des monceaux de sacs de terre...".<br />

Le bataillon d'I.Ma participe aux travaux de tranchée de<br />

jour et de nuit, et à la garde de la tranchée.<br />

La batterie d'A.Ma, affectée à la 2 e Division, prend part<br />

aux opérations du siège avec celle-ci.<br />

La solidité des fortifications et l'opiniâtreté des combattants<br />

mexicains contraignent le commandement français à<br />

faire monter de Vera-Cruz des pièces de marine de 30<br />

rayées, dont le poids (3 800 kg) ne facilite pas l'acheminement<br />

dans les conditions que nous avons évoquées plus<br />

haut.<br />

Le 6 mai, le bataillon d'I.Ma occupe cinq "cadres"<br />

dans Puebla.<br />

..."Le service (y) est on ne peut plus pénible et (...) dangereux.<br />

Les hommes sont en faction jour et nuit et ne sont<br />

séparés de l'ennemi que par une muraille de maison crénelée.<br />

L'infanterie et l'artillerie mexicaines ne discontinu (...)<br />

ent pas leurs feux".<br />

Le 8 mai, le corps de secours de l'ancien président<br />

mexicain Comonfort a été battu à San Lorenzo à quelques<br />

kilomètres au nord de Puebla.<br />

Le 17 mai, la place capitule après 62 jours de siège depuis<br />

l'investissement :<br />

" L e général Onega, n'ayant plus ni vivres ni munitions,<br />

ne s'était rendu qu'après avoir fait préalablement procéder à<br />

la mise hors service des bouches à feu, à la destruction de<br />

tout l'armement, et prononcé la dissolution de l'armée."<br />

Puebla, la fin du siège. Dessin du Lt-colonel Capmartin d’après<br />

un croquis fait « le 17 mai à 5h du matin au moment où l’armée<br />

assiégée brûle ses poudres et détruit son matériel avant de se<br />

rendre ».<br />

Du 20 au 25 mai, le bataillon d'I.Ma redescend vers Orizaba<br />

en escortant un convoi de 3 200 prisonniers (dont 1<br />

200 officiers environ (1) .<br />

Pendant six semaines, il est retenu à Orizaba : garde du<br />

poste de Borrego (qui surplombe la ville de 350 m) et des<br />

prisonniers, escortes de convoi, service de place...<br />

Il ne remonte à Puebla que le 13 juillet, avec un convoi de<br />

62 voitures d'approvisionnement et 500 prisonniers mexicains<br />

destinés à être envoyés à Mexico.


Le 7 juin, en effet, les troupes françaises étaient entrées à<br />

Mexico.<br />

La 7° Batterie d'Artillerie de Marine y est montée, elle y<br />

restera jusqu'en octobre, puis prendra part aux opérations<br />

de la 2 e Division dans l'intérieur jusqu'en mai 1864.<br />

En juillet, une assemblée de notables a érigé le Mexique<br />

en monarchie impériale, et en a offert la couronne au<br />

prince Ferdinand-Maximilien, archiduc d'Autriche.<br />

LE REGIMENT D’INFANTERUE <strong>DE</strong> MARINR A TAMPICO<br />

Le 16 juillet 1863. le colonel' Hennique et le bataillon<br />

de marche quittent Puebla.<br />

Une nouvelle mission est confiée au régiment d'Infanterie<br />

de Marine : le général en chef a décidé de réoccuper<br />

Tampico, pour priver l'adversaire des ressources qu'il<br />

continue à recevoir de la mer par ce port.<br />

Regroupé à Cordoba le 23, le régiment quitte cette place<br />

le 31 juillet pour gagner Vera-Cruz en parcourant une dernière<br />

fois la route des Terres Chaudes, où ses unités ont<br />

tant peiné et souffert depuis dix-huit mois ; il fait étape à<br />

l'Atoyac, à Paso de! Matcho, àa Palo Verde, à la Soledad,<br />

à La Pulga.<br />

Il arrive le 6 août à Vera-Cruz, au terme d'une dernière<br />

étape effectuée en chemin de fer, et embarque aussitôt<br />

sur la frégate amirale "La Bellone", la frégate "Panama",<br />

les transports "l'Entreprenante" et "l'Eure".<br />

En quittant Vera-Cruz, disons aussi qu'avait trouvé gîte<br />

dans cette ville, cette "faune" de civils, et également de militaires<br />

d'une certaine espèce, qui, au titre de l'administration,<br />

des fournitures et subsistances, etc., savent si bien vivre<br />

aux crochets des armées en campagne ; sans en partager<br />

bien sûr les fatigues et les dangers...<br />

Pour débarquer à Tampico, le colonel Hennique dispose,<br />

outre son régiment, d'un petit corps auxiliaire mexicain<br />

de deux compagnies (122 volontaires au total) et un<br />

escadron (79 lanceros), ainsi que de deux pièces de 4 et<br />

deux pièces de 12, servies par un détachement de 14 canonniers<br />

de la Marine, en attendant l'envoi d'artilleurs de<br />

l'Armée de Terre.<br />

Plan des attaques contre<br />

Puebla. Photographie du<br />

plan (document original)<br />

dressé par le lieutenant<br />

d’infanterie de marine<br />

Laurent, au cours du<br />

siège.<br />

Rappelons que Tampico avait été occupé temporairement<br />

de novembre 1882 à janvier 1883. Nous avons vu que<br />

le commandant Campion avec trois compagnies de son<br />

bataillon y avait passé trois semaines.<br />

Le 8 août, l'escadre du contre-amiral Bosse se présente<br />

devant l'embouchure du rio Panuco et réduit au silence un<br />

fortin qui en défend l'entrée.<br />

Le débarquement s'opère le lendemain, protégé par le<br />

feu des avisos "Le Brandon", "Le Milan" et "La Tempête". La<br />

barre est dangereuse. Pour la franchir, les chaloupes sont<br />

remorquées par des canots à vapeur (un canot et une chaloupe<br />

sombreront).<br />

Suspendu à cause du mauvais temps, le débarquement reprend<br />

le 10. Le transbordement du matériel ne pourra s'achever<br />

que le 15.<br />

Mais, dés le 11 août, le colonel Hennique a pris possession<br />

de la ville.<br />

L'ennemi n'a pas défendu celle-ci, mais il la bloque étroitement<br />

du côté de la terre, la privant de toute communication<br />

avec l'intérieur du pays.<br />

Une compagnie est implantée à Dona-Cecilia, une autre<br />

à Pueblo-Viejo, une autre à Tampico-Alto.<br />

La Marine nous a laissé une petite goélette armée en<br />

guerre avec un équipage de cinq marins français et un<br />

chaland.<br />

Comme il importe dans une telle situation, le colonel<br />

Hennique se donne de l'air par des colonnes mobiles. Le 18<br />

août, une colonne de 300 hommes commandées par le<br />

chef de bataillon Bossant attaque, à Altamira, les troupes<br />

du général Meija et les disperse.<br />

De fréquentes reconnaissances ne cessent de parcourir<br />

le pays environnant et de donner la chasse aux bandes<br />

de guérillas qui l'infestent. Mais le climat de Tampico est<br />

particulièrement malsain en raison des lagunes, et l'état<br />

sanitaire est désastreux.<br />

Le 1 er octobre, le maréchal Forey avait remis son commandement<br />

au général Bazaine.<br />

Le 30 janvier 1864, le colonel Charvet remplace à la tête<br />

du régiment le colonel Hennique, promu général.


Ayant achevé son séjour au Mexique, le régiment d'Infanterie<br />

de Marine, sous les ordres du It-colonel Bossant, embarque<br />

(à Tampico) les 5 et 6 mars sur le transport<br />

"L'Eure". Le général Hennique rentre d'ailleurs en métropole<br />

par le même navire.<br />

Le colonel Charvet doit assurer le commandement jusqu'à<br />

l'arrivée du colonel Dupin, dont la fameuse "Contreguérilla"<br />

relève l'Infanterie de Marine à Tampico.<br />

Fin avril, "L'Eure" débarque à Brest 22 officiers et 269<br />

sous-officiers et soldats du 2 e R.I.Ma, puis à Cherbourg 17<br />

officiers et 344 sous-officiers et soldats du 1 er R.LMa.<br />

Quant à la 7 e Batterie, après avoir reversé son matériel,<br />

elle quitte Vera-Cruz le 12 juin à bord du transport "La<br />

Saône".<br />

Quinze jours avant, l'empereur Maximilien avait débarqué<br />

à Vera-Cruz et avait pris la route de Mexico vers son<br />

destin tragique.<br />

"La Saône" sera à Brest le 22 juillet<br />

R estent encore au Mexique les deux compagnies indigènes<br />

d'ouvriers du génie, qui sont, elles aussi, employées dans<br />

les Terres Chaudes, dont leur personnel peut sans danger<br />

supporter le climat. Mais elles n'y sont pas cantonnées dans<br />

des missions de travaux, il s'en faut. Leur chef dynamique, le<br />

commandant Maréchal, les mène dans de nombreuses opérations.<br />

Comme, en juillet 1864, celle du Conejo où, avec<br />

l'appui des canonnières "La Ste Barbe" et "La Tactique",<br />

une forte position mexicaine armée de plusieurs canons est<br />

enlevée.<br />

Le commandant Maréchal deviendra commandant supérieur<br />

à Vera-Cruz et trouvera la mort à la tête d'une opération<br />

en mars 1865. Après la disparition de leur chef, les<br />

deux compagnies du "génie colonial" seront rapatriées aux<br />

Antilles.<br />

La compagnie franche des Antilles est également vouée<br />

aux Terres Chaudes. En dehors de la sécurité des localités<br />

du littoral : Vera-Cruz, Medellin, Alvarado, Tampico... et<br />

de leur périmètre, il faut signaler sa participation à diverses<br />

opérations, et notamment à l'expédition du Conejo de juillet<br />

1864 mentionnée ci-dessus.<br />

En novembre 1864, son personnel arrivant en fin de<br />

contrat, la compagnie franche rentre aux Antilles pour y<br />

être dissoute.<br />

Sur les quelque 2715 personnels des Troupes de Marine<br />

débarqués au Mexique (en comprenant les différents renforts),<br />

l'Infanterie de Marine a perdu prés de sept cents<br />

hommes (dont 12 officiers) tués au feu, disparus ou morts<br />

de maladie ; l'Artillerie de Marine quarante (dont 2 officiers) ;<br />

les "sapeurs" seize (nous n'avons pas le chiffre des pertes<br />

des "volontaires").<br />

Débarquement de Tampico, 9 août 1863<br />

Notre action au Mexique avait bénéficié de la paralysie relative<br />

des Etats-Unis aux prises avec leur guerre civile, dite<br />

de Sécession de 1861 à 1865. Les forces françaises ne<br />

pourront cependant vaincre la résistance farouche des guérilleros<br />

mexicains, et devront se contenter d'occuper les villes,<br />

en abandonnant à ces derniers la majeure partie du<br />

territoire.<br />

L'impopularité de cette intervention, et surtout les fortes<br />

pressions exercées sur la France à partir de 1865 par les<br />

Etats-Unis, contraindront Napoléon III à retirer ses troupes<br />

du Mexique.<br />

Cette retraite, achevée en mars 1867, entraînera la<br />

chute de Maximilien, qui tombera aux mains des juaristes<br />

en mai 1867 et sera fusillé par eux le 19juin 1867 à Queretaro,<br />

encadré de deux généraux mexicains.<br />

Cette mort et l'échec de cette expédition porteront gravement<br />

atteinte au prestige de la France dans le monde.<br />

Quoi qu'il en soit advenu, les Troupes de Marine<br />

avaient, au cours de la première partie de la campagne,<br />

rempli les missions qui leur avaient été confiées, en confirmant<br />

leurs solides qualités militaires et leur réputation de<br />

dévouement et d'abnégation.<br />

Depuis, le général Hennique s'était vu confier, à la fin<br />

de 1863, le poste de gouverneur de la Guyane ; il devait<br />

mourir à Cayenne en 1870.<br />

Ses anciens subordonnés du Mexique n'étaient pas non<br />

plus restés longtemps à Brest ou à Cherbourg, car les Troupes<br />

de Marine sont alors engagées au Sénégal, et surtout<br />

en Cochinchine - où le Régiment de Marche d'Infanterie de<br />

Marine a été renforcé en 1863 de cinq compagnies du 1 er<br />

Régiment et de dix compagnies du 2 e Régiment ; le 2 e a<br />

également des unités en Océanie.<br />

Quant aux enseignements de la campagne du Mexique, ils<br />

devaient rester longtemps méconnus. Et sans doute cela estil<br />

dommage : les méthodes de guerre révolutionnaire et les<br />

procédés de guérilla pratiqués par les Mexicains, le jeu à<br />

leur bénéfice d'une aide étrangère importante et multiforme,<br />

les services rendus par les troupes indigènes supplétives -<br />

pour se limiter à ces quelques points - auraient sûrement<br />

mérité de retenir davantage l'attention et la réflexion de<br />

nos penseurs militaires.<br />

A quel prix ne nous faudra-t-il pas les redécouvrir plus<br />

tard ?<br />

F.L.

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