RÉPERTOIRE NUMÉRIQUE DE LA SÉRIE R - Archives ...
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XVII<br />
Gardes nationales sédentaire et mobilisée (4 R 309-435). L'organisation de la garde nationale sédentaire composée<br />
de tous les citoyens valides âgés de 30 à 40 ans, s'effectua parallèlement à la mise en activité de la garde nationale<br />
mobile (42). Elle était chargée « non seulement de la protection des campagnes et des villes, mais encore de la défense<br />
du territoire » (43). Les conseils de recensement étaient constitués fin août-début septembre et les contrôles des effectifs<br />
établis aussitôt. Les arrêtés préfectoraux des 20, 22 et 23 septembre fixent le nombre et la composition des légions<br />
et bataillons, décrivent l'uniforme, appellent le lieutenant-colonel Domergue, président du comité départemental de<br />
défense nationale, au commandement supérieur des gardes nationales de l'Hérault, nomment les officiers.<br />
Les décrets pris par le gouvernement de la défense nationale les 29 septembre, 11 et 16 octobre mobilisent une<br />
partie de la garde nationale qu'elle met à la disposition du ministre de la guerre. Un décret du 2 novembre mobilise<br />
tous les hommes valides de 21 à 40 ans, mariés ou veufs avec enfants, les exemptions en qualité de soutien de famille<br />
étant abolies. La République devait « pourvoir aux besoins des familles reconnues nécessiteuses et adopter les enfants<br />
des citoyens qui succomberont pour la défense de la Patrie ».<br />
Décrets et instructions sur l'organisation et la mobilisation de la garde nationale se succèdent à un rythme rapide.<br />
Il serait fastidieux et hors du cadre de cette introduction de les citer, même partiellement. Le préfet et le général<br />
Domergue diffusent largement ces textes qu'ils commentent et complètent (44). Des chargés de mission envoyés dans<br />
le département tentent d'accélérer la levée qui se réalise difficilement. Déserteurs, insoumis et réfractaires sont aussi<br />
nombreux que pour la garde mobile, certains se réfugient même en Espagne (45). L'indiscipline règne. Les deux<br />
légions de l'Hérault s'organisent néanmoins peu à peu et les hommes arrivent à Montpellier. Il faut les habiller, armer,<br />
équiper et surtout caserner, ce qui nous vaut une masse de plusieurs dizaines de dossiers.<br />
La construction d'un camp d'instruction pour au minimum 60 000 mobilisés des départements de l'Hérault,<br />
Ardèche, Aveyron, Gard et Lozère est entreprise aux environs de Montpellier, en application du décret du 25 novembre<br />
(46). L'ingénieur en chef des ponts et chaussées Duponchel, colonel du génie, est chargé de dresser les plans et de<br />
diriger les travaux. Les services des ponts et chaussées et du génie ayant versé leurs archives, nous possédons ainsi<br />
trois fonds qui se complètent sur le même objet (47).<br />
La procédure d'expropriation de 147 hectares de terrains est entreprise et 65 sont occupés immédiatement en bordure<br />
de la route de Montpellier à Nîmes, non loin de la ligne de chemin de fer et du Salaison qui devait fournir l'eau<br />
au camp (d'où son nom de camp de Salaison). Les travaux de construction commencent dans de très mauvaises conditions<br />
: d'abord un hiver particulièrement rigoureux avec des gelées dépassant — 10° et surtout d'abondantes chutes<br />
de neige interrompirent tout travail pendant un mois ; ensuite le manque de matériaux obligea à les faire venir non<br />
sans mal de très loin ; enfin la pénurie de main-d'œuvre qualifiée. Plusieurs équipes et les mobilisés eux-mêmes se mettent<br />
à la tâche, les baraques s'édifient. Quelques-unes en cairons couvertes de tuiles, la plupart entièrement en bois.<br />
Les toitures des premières, trop lourdes pour les charpentes, menacent de s'écrouler au moindre coup de vent, il pleut<br />
comme en plein champ dans les secondes dira le directeur du génie dans un rapport du 4 avril 1871 (48) qu'il conclut<br />
en conseillant la suppression immédiate du camp. Près de 200 baraques sont pourtant achevées ou en voie de l'être.<br />
Les installations sont remises au génie le 10 avril 1871, puis aux domaines le 12 mars 1872 en vue d'une vente aux<br />
enchères qui a lieu le même jour pour 149 baraques et des stocks de matériaux. Son produit s'élève à 33 200 F, somme<br />
jugée avantageuse par le commandant du génie, comparée aux ventes de même nature (49).<br />
Le général Lefèvre est nommé commandant supérieur du camp par décret du 7 décembre 1870. Les baraquements<br />
sont occupés dès leur construction par les hommes qui arrivent fin décembre du Gard (8 000), de l'Hérault (7 250 au<br />
total), fin février du Var (4 000), etc. Les mobilisés ne sont pas seuls à affluer, les abords du camp sont vite envahis<br />
par des cafés, buvettes, restaurants, débits de tabac et autres commerces, ainsi que par « les gens sans aveu et les filles<br />
de mauvaise vie » (50). La discipline semble difficile à établir. Les hommes sont néanmoins habillés, armés, équipés,<br />
entraînés et aussitôt envoyés au camp de Sathonay (armée de Lyon). Les départs s'étalent du 12 décembre 1870 au<br />
19 février 1871. De Sathonay ils furent dirigés sur Besançon d'où ils firent retraite sur Ambérieu sous les ordres du<br />
général Lasserre après avoir pris part à quelques escarmouches notamment à Dôle les 22 et 23 janvier. Il y eut 3 tués<br />
par l'ennemi à Dôle et 41 morts par suite de maladie. Les liasses 8 R 22 et 23 contiennent quelques lettres relatant<br />
leur conduite. La 4 R 318 en renferme sur l'inconduite de la 2 e légion au camp de Sathonay et de la 1" légion à Ambérieu.<br />
Il faut dire à leur décharge que les chefs « n'ont vu dans leur position pour la plupart que les droits qu' « elle<br />
leur conférait » (51), que les conditions matérielles de vie étaient épouvantables et qu'il fut même question de faire<br />
revenir à pied une légion d'Ambérieu à Montpellier. Vingt-deux étapes pour des hommes exténués après une quinzaine<br />
de jours de retraite dans la neige, démoralisés, sans matériel de campement et d'équipement. Le commandant<br />
Galtier télégraphia le 6 mars au préfet qu'il refusait de conduire ses hommes dans de telles conditions. Le ministre de<br />
la guerre lui donna raison contre le général Oschenbein et la légion rentra par chemin de fer.<br />
(42) Lois des 7 et 12 août, 4 R 309.<br />
(43) Circulaire préfectorale aux conseillers généraux, idem.<br />
(44) Voir 4 R 309 à 312.<br />
(45) Voir 4 R 344 à 351.<br />
(46) Le chiffre de 60 000 est celui donné par la loi. Le camp de Montpellier fut prévu pour 46 000 : Ardèche 11 000, Aveyron 13 000, Gard<br />
10 000, Hérault 8 000, Lozère 4 000. Voir 4 R 435.<br />
(47) Voir 2 R 334 à 342 pour le fonds du génie, 4 R 365 à 371 pour les fonds de la préfecture et des ponts.<br />
(48) Voir 2 R 339.<br />
(49) Voir 2 R 340.<br />
(50) Lettre du général Lefèvre du 19 décembre 1870, 4 R 368.<br />
(51) Lettre du général Martin, commandant du camp de Sathonay au préfet de l'Hérault, 7 mars, 4 R 318.